« Mon bébé s’est sevré tout seul. »

N’avez-vous jamais entendu cette phrase ? Quelle affirmation étrange ! Comment un bébé pourrait-il se sevrer tout seul ? C’est à dire se priver de lui même de sa source naturelle d’alimentation et de réconfort ?

Il me semble tout d’abord important de rappeler ce qu’est le sevrage. On peut dire qu’il en existe deux sortes : le sevrage induit, c’est la mère qui décide de débuter un sevrage pour des raisons qui lui sont propres ; le sevrage naturel, c’est l’enfant qui peu à peu se désintéresse du sein pour finir par ne plus le prendre du tout. Ce dernier sevrage peut débuter aux alentours du 1er anniversaire de l’enfant et parfois « s’étaler » jusqu’à ses 4, 5, 6 ans… (Oui je sais, cela peut ne pas « convenir » aux personnes qui me lisent. Un autre article ici sur l’allaitement de bambins) Quoiqu’il en soit, en aucun cas ces sevrages ne se font « du jour au lendemain », de manière soudaine.

gaelle&erwen_05Csite2016 - copieJe vais ensuite employer un mot que vous n’avez peut-être jamais vu associé à l’allaitement : la « grève ». Pardon ? Ok je suis Française et on accuse souvent les Français de faire la grève pour un oui ou un non. Alors, vous pensez que je suis en plein délire là ? Même pas. Un bébé qui, du jour au lendemain, refuse de téter ne se sèvre pas tout seul. Il fait la grève. La grève de tétée.

Parfois on saura pourquoi : un changement notable dans ses habitudes, une tension familiale importante, un geste médical maladroit ou intrusif, une maladie qui couve ou des dents qui se font sentir, un biberon introduit, etc… Bébé traduit l’inconfort qu’il ressent par l’un des rares moyens de communication qu’il a en sa possession : le refus. Cette grève peut durer de quelques heures à quelques jours.

D’autres fois, on ne comprendra pas, on ne trouvera aucune cause à ce refus net et inattendu.

Certaines mamans peuvent être satisfaites de cet arrêt soudain, car il correspond vraiment à leur envie d’induire un sevrage. Cela arrive au bon moment pour elles et j’ai envie de dire tant mieux si cela leur convient. Il n’en reste pas moins vrai qu’il est faux de dire que leur bébé « s’est sevré tout seul ». Même s’il ne montre aucun signe apparent de mal-être. Parmi ces femmes, il peut aussi arriver que cette phrase « toute faite » soit leur façon de cacher de manière désinvolte, en accord avec notre société totalement non-soutenante à l’allaitement, la fêlure que le refus de leur bébé aura créée en elles : elles ne savent pas qu’il ne s’agit définitivement pas d’un sevrage ; elles croient que c’est « normal ».

Pour d’autres femmes, cela pourra être très ouvertement difficile, voire douloureux, à vivre. Un sentiment immense de rejet, de tristesse, d’impuissance pourra les envahir. Et ce quel que soit l’âge de l’enfant. Bien entendu, plus le bébé sera petit plus l’inquiétude sera vive : il est vital que le nourrisson s’alimente d’une manière ou d’une autre. Toutefois, même lorsque la grève concerne un enfant plus grand, la mère pourra vivre une détresse profonde. Aggravée souvent par le fait que l’entourage ne comprend pas, ne soutient pas, n’a aucune empathie pour elle : « il veut arrêter de téter, il veut arrêter et puis c’est tout ; tu ne vas pas l’allaiter jusqu’à 18 ans quand même ! » Alors, elle se sent seule, incomprise et inutile. Sauf si elle arrive à trouver une épaule accueillante, des oreilles compatissantes, qui vont l’accompagner et l’aider à vivre cette difficulté au mieux : une amie allaitante et informée, une animatrice d’association de soutien de mères à mères, une consultante en lactation IBCLC, un professionnel de santé véritablement formé à l’allaitement bref, une personne ressource qui lui dira de maintenir et stimuler sa lactation (notamment si le bébé est exclusivement allaité), de faire le plus possible de câlins à son petit, d’éviter le biberon pour lui donner son lait, de continuer toujours et encore à lui proposer le sein, sans imposer et mettre de pression, de choisir leur coin favori de tétée pour ces propositions, de proposer le sein de nuit quand bébé est dans un demi-sommeil, ou bien encore dans un bain commun… Les aider à ne pas perdre espoir et à mettre toutes les chances de leur côté pour que l’allaitement puisse reprendre dans des jours meilleurs…

Savoir que l’allaitement ne s’arrête pas brutalement du fait de l’enfant, que l’on peut traverser ce genre de situation et qu’il peut y avoir des pistes pour trouver une solution : c’est un petit pas de plus vers davantage d’autonomie, vers davantage de liberté pour vivre l’allaitement que chacune souhaite vivre.

Je continue à rêver qu’un jour les choses puissent changer…

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