« Mieux vaut donner un biberon… »

Une récente discussion, teintée de désaccord, m’a permis de comprendre pourquoi je détestais tant une phrase que tout un chacun rabâche au sujet de l’allaitement maternel. Cet échange m’a également fait comprendre le paradoxe de mes propos quand je disais accompagner chaque femme sur son propre chemin d’allaitement et que je réagissais au quart de tour en entendant cette insupportable phrase. Enfin, ce partage m’a redonné envie d’écrire sur mon blog : décidément merci Chloé ! 😉

La voici donc cette fameuse phrase : « Mieux vaut donner un biberon avec amour que le sein avec (au choix, rayez la mention inutile) répulsion, douleur, contrainte, etc. » Bah oui ! Me direz-vous, rien que de très normal : je n’ai cessé de répéter ici même qu’aucune femme ne devrait jamais accepter de se sacrifier pour son enfant et ne jamais accepter la douleur. Oui MAIS. Car il y a un grand, gros, tonitruant MAIS : le contexte et la façon d’utiliser cette affirmation péremptoire. Elle est employée systématiquement comme un badigeonnage général, un enrobage lénifiant destiné à faire avaler une pilule amère, un piètre pansement sensé empêcher une culpabilisation éhontée des femmes n’ayant pas souhaité ou pu allaiter leur enfant (au sujet de la culpabilité je vous invite à lire cet article). Celles et ceux qui l’assènent ne connaissent rien à l’allaitement maternel. Ils en savent encore moins sur ce que devrait être un accompagnement compétent, soutenant et empathique des femmes qui allaitent. C’est donc dans ce cadre de bonne conscience généralisée que cette parole me donne une urticaire géante. Car elle ne va pas au cœur du problème de l’allaitement maternel dans notre bonne vieille France : le cruel déficit d’informations et de formations pertinentes sur la question. Elle se contente de parer de quelques couleurs fallacieuses un mur décidément bien gris. Sans qu’il y ait la moindre remise en cause de ce qui ne va pas, de ce dans quoi la société dans son ensemble baigne depuis des décennies.complicitésite2016

Maintenant, mon paradoxe, que j’assume totalement : chaque femme, chaque bébé, chaque famille que j’accompagne, a sa propre histoire. Jamais il ne me viendrait à l’idée de plaquer sur celle-ci des injonctions ou des jugements. Ils arrivent vers moi avec leurs fragilités et leurs forces, leurs envies et leurs limites, leur énergie et leurs peurs. Je les accueille du mieux possible ; je tente de leur ouvrir des pistes pour que leur relation d’allaitement se passe plus sereinement ; j’écoute et guide ; j’informe et propose des solutions. Ensuite, c’est à chacune de faire son propre cheminement. Si ce chemin va vers un allaitement paisible qui correspond aux souhaits de maman, je ne peux cacher ma joie d’avoir apporté ma petite pierre à la mise en place de cette aventure ; s’il va vers un sevrage subi ou souhaité par maman, j’ai intérieurement le cœur lourd et un sentiment d’échec, mais je lui dis juste que si c’est ce qui lui semble bon pour elle, cela l’est. Pas une seconde il ne me viendrait toutefois à l’esprit d’utiliser cette phrase. Parce qu’elle ferait perdre toute sa valeur à l’allaitement maternel. Parce que le lait artificiel n’est en rien équivalent au lait maternel. Parce qu’il est important que chacune prenne conscience que la difficulté rencontrée n’est pas normale, banale, inévitable. Nier cela d’un coup de phrase doucereuse signifie se résigner à accepter comme un fait établi l’ensemble des obstacles rencontrés lors de l’allaitement, alors que bien souvent ceux-ci résultent d’une construction sociétale. Il est pour moi primordial que chaque femme devenue mère réalise qu’elle se construit peu à peu dans cette nouvelle vie et que l’éventuel échec de l’allaitement fait partie de ce processus. Ce n’est pas avec une assertion « politiquement correcte » que cette prise de conscience sera rendue possible. A la mère, avec le soutien de son entourage, et parfois aussi de nous, IBCLC*, de réussir à transformer peu à peu en force la blessure née de l’inaboutissement de son projet. La plupart du temps, accompagner l’allaitement maternel va bien au-delà de connaissances « techniques », aussi importantes soient-elles…

En tout cas une chose est certaine, je continue à rêver qu’un jour les choses puissent changer…

* « International Board Certified Lactation Consultant » : Consultant en lactation, professionnel de l’allaitement maternel. A partir d’aujourd’hui j’ai décidé de n’employer que ces initiales pour qu’elles passent dans le langage commun…quand je vous dis que je suis une grande rêveuse !

Histoires de bébés qui ne PEUVENT pas téter et d’un profond découragement

Aujourd’hui, je vais être très très bavarde après un long silence de 4 mois (désolée…). J’espère que vous aurez plaisir et intérêt à me lire jusqu’au bout. Il faut dire à ma décharge qu’il y a de quoi parler sur le sujet que j’ai choisi d’aborder.

Un allaitement peut être douloureux, un bébé allaité peut ne pas prendre suffisamment de poids pour de nombreuses raisons dont l’une des principales reste un mauvais positionnement de sa bouche sur le sein de sa maman, une ouverture de bouche insuffisante. Non seulement bébé peut alors blesser maman, mais son manque d’efficacité va aussi empêcher l’installation d’une lactation optimale (d’où un éventuel problème de prise de poids à court ou plus long terme).

Attention : n’oublions pas que ces problèmes ne sont pas une fatalité et ne sont pas systématiques, même si en France allaitement maternel = douleur, bien trop souvent. Il est également vrai que le temps est un allié en matière d’allaitement : chacun apprend à allaiter et à téter en le faisant. Il est donc important de différencier une « gêne » liée au manque d’habitude (j’aime à dire que nos seins sont habitués à des caresses nettement plus douces que la succion d’un nourrisson 😉 ) qui passera probablement avec le temps, et une douleur, qui a très certainement une cause.

En tant que consultantes en lactation IBCLC, nous avons pour tâche de mener l’enquête avec les parents pour comprendre pourquoi ces difficultés existent et de chercher la solution la meilleure pour chaque dyade maman/bébé (travail sur la mise au sein, position différente, séance d’ostéopathie, « pause-allaitement » avec don de lait au DAL* au doigt, etc.).

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Type 1*** – frein antérieur

Parmi les causes de ces problèmes, la présence chez bébé d’un frein de langue** trop serré (ou ankyloglossie) est à envisager. Cette membrane rattachant la langue au plancher buccal peut, si elle est trop courte, empêcher une bonne mobilité de celle-ci ainsi qu’une ouverture correcte de la bouche. Petit exercice pratique : bloquez votre langue derrière vos dents inférieures et essayez de parler, d’avaler, d’ouvrir la bouche… On se rend vite compte que tout est plus compliqué.

Quand nous sommes appelées par des parents pour les accompagner dans l’allaitement parce justement ils rencontrent l’une et/ou l’autre de ces difficultés, s’assurer de la présence éventuelle d’un frein trop court fait donc partie, entre autres, des questions que nous allons nous poser.
Au cours de la consultation, qui dure environ 2 heures, nous avons la possibilité de voir comment bébé se comporte au sein. Ceci, associé à nos connaissances en allaitement, nous permet de prendre en considération son efficacité ou sa non-efficacité. Si nous suspectons un frein de langue court nous invitons les parents à se rapprocher d’un ORL ou d’un pédiatre, afin que celui-ci confirme ou non notre interrogation et réalise une section du frein (geste certes douloureux mais extrêmement bref, à peine 1mn, qui peut se faire à tout âge sans anesthésie générale). Et c’est là que le découragement nous guette : à Toulouse (c’est le cas sur la majorité du territoire français) il est vraiment très difficile de trouver un praticien qui prenne en considération nos remarques, et qui accepte et sache effectuer la section du frein sur des nourrissons sans anesthésie générale.

 

Des petites histoires vraies ?

Allons-y. Je vois en consultation bébé G., 2 semaines, et sa maman. Celle-ci, infirmière, est inquiète car elle trouve que son petit s’agace très facilement au sein et semble le rejeter dès que le lait arrive plus doucement. De peur qu’il manque de lait, elle lui propose

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Type 2*** – frein antérieur

vraiment très fréquemment et alterne également fréquemment les deux seins. La prise de poids est plus que bonne : 75 grammes par jour (en moyenne on parle de 25 à 30 g. quotidiens). Je constate que bébé G. n’est absolument pas efficace dans sa tétée, il ne «s’accroche » pas au sein, est satisfait quand le lait coule tout seul et commence à s’agiter dès que ce n’est plus le cas. Je remarque la présence d’un frein de langue postérieur.

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Type 3***- frein postérieur

Rendez-vous est pris avec une pédiatre connue pour accepter de sectionner ce type de frein, en cabinet, sans anesthésie générale (bref LA perle). Le verdict tombe : il y a bien un frein mais la prise de poids est positive donc pas besoin de sectionner. Une oesophagite est diagnostiquée (rien d’étonnant avec la sur-stimulation menée par maman, action nécessaire car elle a permis à bébé de prendre du poids malgré son inefficacité). Conseil est donné d’espacer les tétées. Maman décide de faire confiance à la pédiatre. Résultat : bébé est très vite en mixte car la lactation devient rapidement insuffisante toujours en raison du manque de tétées efficaces (Rappelons juste en passant qu’un bébé allaité qui souffre d’oesophagite a besoin de tétées courtes et rapprochées…et que la lactation se maintient à la seule condition que bébé tète en moyenne 8 à 12 fois par 24h…). Un allaitement qui risque fort de ne pas durer longtemps et qui en tout cas ne répond pas au souhait initial exprimé par la mère lorsque je l’ai rencontrée.

En voici une autre : une de mes collègues reçoit une maman d’un bébé de quelques jours

 

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Type 4***- frein postérieur – palais creux

qui a des douleurs insupportables aux seins, des crevasses terribles, une réelle détresse de ne pas parvenir à allaiter paisiblement. Cette fois encore un frein de langue postérieur est observé. L’ORL consulté le constate lui aussi mais… « Ce ne peut pas être cela la cause des douleurs » et refuse de sectionner le frein. Que va faire cette femme qui se fait violenter 8 à 12 fois par 24h. ? Fort probablement sevrer, avec un sentiment d’échec, une grande tristesse et un discours ne parlant que des douleurs insoutenables de l’allaitement. Cela est normal et humain. Je le dis et le redirai toujours : aucune mère n’a à se sacrifier pour son enfant.

Entendons-nous bien : notre travail consiste à aider les femmes à vivre au mieux leur allaitement. Le frein de langue peut être une entrave à un allaitement harmonieux, nous le constatons tous les jours. Ignorer cette possibilité, l’écarter d’emblée, s’apparente à de l’incompétence, tout comme le fait de la considérer à l’exclusion de toute autre. Il ne s’agit pas de sectionner un frein pour le sectionner, il ne s’agit pas d’une « mode » que nous avons soudainement décidé de mettre au goût du jour, il s’agit d’avoir une vision à long terme sur l’allaitement souhaité par la mère…

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Type 4*** – frein postérieur caché sous muqueuse

Heureusement, il y a aussi des histoires positives… Une maman qui ne souffre plus du tout, son bébé mis au sein immédiatement après la section du frein de langue antérieur. – Une autre dont le bébé de 6 jours ne tétait pas du tout (il était en incapacité de « faire le vide » sur le sein, de « s’accrocher »), frein postérieur sectionné à 11 jours (par la pédiatre mentionnée dans ma toute première histoire 😉 ), bébé se met à téter de manière exclusive à… 23 jours ! (Grâce à des parents extrêmement motivés, à un arrêt total des biberons remplacé par un DAL* au doigt, et du peau à peau +++) – Un tout-petit dont les parents font 3 heures de route pour rencontrer un professionnel de santé qui sectionne son frein de lèvre supérieure et qui, enfin, cesse de faire mal à maman – Ou bien encore celui-ci, ayant du mal à « décoller » au niveau de sa prise de poids, à qui des séances d’ostéopathie ont permis de libérer des tensions qui « tiraient » la langue vers l’arrière, pouvant faire croire à un frein trop serré, et qui réussit à être efficace dans sa tétée.

Je lance donc un appel : si vous connaissez (ou êtes 😉 ) des professionnels de santé prêts à dialoguer, à se former, à chercher des solutions pour le plus grand bien de tous, sur Toulouse ou au moins en Occitanie, je suis preneuse !

Et j’essaie donc de continuer à rêver qu’un jour les choses puissent changer…

NB Le frein de lèvre supérieur (membrane reliant la lèvre à la gencive) peut lui aussi avoir un impact négatif sur l’allaitement, empêchant une bonne ouverture de bouche, créant blessures et mauvaise prise de poids. Il est lui aussi à prendre en compte.

* DAL Dispositif d’Aide à la Lactation

** En savoir plus sur les freins de langue : https://www.lllfrance.org/1679-aa-95-freins-de-langue-freins-de-levre-des-freins-a-lallaitement

 *** Classification des IBCLC

« A toutes les grands-mères…»

Pourriez-vous laisser vos filles ou belles-filles qui allaitent tranquilles ? Pourriez-vous leur donner un magnifique cadeau : votre CONFIANCE ? Pourriez-vous ainsi offrir à votre petit-enfant le meilleur « engrais » qui soit pour débuter sa vie en beauté : le lait de leur Maman ?

Oui je sais. En vous interpelant de cette manière je mets chacune de vous dans le même sac. Je suis bien consciente que la généralisation est la porte ouverte au jugement et, par là mainsbebeadultemême, à la bêtise. Seulement, je vois tellement de situations ubuesques, d’informations totalement fausses voire néfastes transmises par les grands-mères, qu’il y a des moments où je sens la moutarde me monter au nez. Je ne peux m’empêcher de pousser un cri d’alerte avec, toujours sous-jacent à mes propos, le souhait qu’il y ait d’avantage d’informations validées qui circulent. Notamment par votre bouche.

Vous rendez-vous compte de l’importance de votre place auprès de vos enfants et petits-enfants ? Parfois modèle à suivre, d’autre fois exemple à fuir… mais toujours de l’importance. Toujours une place centrale. Alors merci de l’utiliser à bon escient.

Vous n’avez jamais allaité ? Hé bien INFORMEZ-VOUS avant de dire n’importe quoi ! ! ! Qu’était-ce l’autre jour déjà ? Ha oui : « Je vais allaiter jusqu’à 3 mois – Bon très bien, c’est ce dont vous avez envie, donc c’est bien. C’est parce que vous allez reprendre le travail et ça vous fait peur de continuer ? – Heu… non. On m’a dit qu’à partir de 3 mois le lait n’était plus bon, que c’était de l’eau. – ! ? ! ? Alors ce « on » vous a dit totalement n’importe quoi, le lait ne se transforme pas soudainement en eau, le lait maternel est adapté à votre bébé pendant très longtemps, même quand il est diversifié – En fait c’est ma mère. – Gloups… » ou bien encore « Tu veux allaiter ? Mais comment mon fils va pouvoir donner le biberon alors ? » (je rappelle que le biberon n’est pas une obligation et que Papa peut faire plein d’autres choses avec bébé : câlins, portage, jeux, bains, etc.).
Lisez ! Partagez vos lectures ou gardez les pour vous si c’est mieux. Participez à des rencontres sur l’allaitement, seule ou en compagnie de votre fille ou belle-fille si vos relations sont positives : votre présence à ce genre de réunions me semble on ne peut plus légitime !

Vous avez allaité ? Souvenez-vous de ce que vous avez alors ressenti. Parfois cela vous apparaît si loin. Le temps enjolive souvent les choses et vous avez peut-être l’impression que c’était beaucoup plus facile pour vous, « qu’elle devrait faire ci ou ça pour que ça aille mieux, qu’elle se complique bien la vie… ». L’allaitement peut aussi être pour vous un très mauvais souvenir, et vous avez envie d’intervenir en disant « à quoi bon ? Le bibi c’est tout aussi bien ». Votre histoire vous appartient. Rappelez-vous, l’allaitement, c’est comme les enfants : il n’y en a pas un qui se suit et qui se ressemble. Alors écoutez, accueillez, encouragez, proposez des interlocuteurs « neutres » (pour ma propre famille, je donne les coordonnées de mes collègues : trop d’émotion, trop d’affect pour que les paroles dites soient justes et reçues sereinement.) N’hésitez pas, pourquoi pas, à vous « remettre dans le bain » en faisant comme les grands-mères qui n’y connaissent rien : lire, rencontrer, partager…

Me relisant, je me trouve très directive et pleine d’injonctions : désolée, ne voyez pas mes points d’exclamations comme des ordres et des « il faut / tu dois », mais plus comme de l’enthousiasme que je souhaite communicatif. Et des pistes à suivre ou pas. A vous de voir.

Pour conclure, j’invite chacune d’entre vous à devenir la reine de l’intendance (même si ce n’est pas votre fort, seulement de manière très ponctuelle ;-)). Ménage, linge, courses, petits plats mitonnés ou en direct du rayon congélation, peu importe… Bref, tout ce qui constitue le quotidien et devient si pesant quand on découvre une nouvelle vie à 3 ou plus. Bien sûr, cela semble ingrat, peu valorisant, mais vous n’imaginez pas combien cela contribue à la construction d’un lien toujours plus fort entre vos enfants, petits-enfants et vous : je repense, toujours émue, à la présence de ma propre maman lors de la naissance de mes enfants. Elle a été là où il était juste qu’elle soit.

J’ose espérer, que quand mon tour viendra, j’apprendrai aussi à trouver ma place.

Je continue à rêver.

« Ce sont MES seins ! »

Ni ceux de bébé, ni ceux de mon conjoint, ni ceux de qui que ce soit d’autre d’ailleurs, les MIENS, à moi toute seule !

Oui l’allaitement, tout comme la maternité et l’accouchement, nous invite à vivre notre corps de manière inédite. Parfois, il peut être difficile d’être autant sollicitée (rappelons qu’il est normal qu’un nourrisson tète 8 à 12 fois par 24 heures) ; d’autres fois, on est émerveillée par ses capacités incroyables ; parfois encore, se réveillent de vieilles blessures plus ou moins profondément enfouies, qui touchent à notre intégrité corporelle…

Autant de femmes différentes, autant de façons différentes d’être en lien avec son corps. Si l’on rajoute à cela la vision de « l’extérieur », des « gens », des « autres », de la « société », sur nos propres seins et l’utilisation que l’on en fait, on n’a pas fini de s’interroger sur ce qui est « bien » ou non de faire avec eux !

nueL’autre jour, j’ai accompagnée dans son allaitement une jeune femme qui avait beaucoup de mal pour allaiter partout. Il fallait que le moment de la tétée soit entouré d’un « rituel », de la mise en place « d’écrans » entre elle et l’entourage pour qu’elle se sente à l’aise même chez ses propres parents, plus encore dans sa belle-famille ou chez ses amis, ne parlons évidemment pas de lieux publics. Son bébé avait 3 mois.
J’ai toujours trouvé cette difficulté étonnante tant, dans mon ressenti à moi, le fait d’allaiter était un acte quotidien que je réalisais avec un naturel évident (pour information, personne, absolument personne, n’avait jamais allaité autour de moi, dans une famille pourtant fort nombreuse 😉 ). Etonnante aussi parce nombreux sont les seins que l’on voit en liberté sur la plage, ou « au balcon » de maintes mannequins et autres people, sans que cela ne pose souci à qui que ce soit. Etonnante encore, parce cela traduit, à mon sens, mais je peux me tromper dans mon interprétation, comme une honte, une gêne à utiliser ses seins dans leur fonction nourricière ; comme si tout de suite le regard des autres se posait sur notre intimité sexuelle, comme si nous faisions ainsi preuve de pornographie.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas pour moi de « brandir » ses seins à tout bout de champ, je me suis déjà exprimée sur le sujet et je reste convaincue qu’allaiter partout, de manière discrète fait beaucoup plus en faveur de l’allaitement, qu’un exhibitionnisme militant.

Bien sûr, nous ne pouvons dissocier nos seins de ce que nous avons pu vivre avec notre corps, de notre histoire intime, personnelle, voire sexuelle. En ce qu’elle a eu de positif comme de négatif. Et si justement l’allaitement nous permettait d’avancer dans une nouvelle découverte de notre corps et de nous réapproprier la totalité de ses aptitudes ?Certes aussi, tout un passif culturel (judéo-chrétien ou autre), sépare résolument la procréation du plaisir de la sexualité, comme s’il fallait se détourner de l’un pour mieux vivre l’autre, comme si l’un et l’autre étaient totalement incompatibles. Mère ou putain il n’y aurait aucune alternative ! Et bien non, nous avons eu la chance de naître femme (oui j’en suis convaincue ! ) et d’avoir ainsi à notre disposition une large palette de potentialités.

Au risque de choquer, j’aime à dire que nos seins sont « multifonctions », comme nous le sommes nous-mêmes en tant que mère et amante, et que c’est une grande richesse d’avoir ainsi autant de possibilités qui s’ouvrent à nous.

Alors, Messieurs, qui « voulez retrouver « vos » seins (heu, non désolée, ce sont ceux de votre femme) pour vous tout seul» (remarque que je trouve fort infantile et déplacée mais malheureusement déjà entendue), Mesdames, qui n’osez voir votre corps comme une merveille de la nature, échangez, discutez ensemble, interrogez-vous dans votre fort intérieur : et si je vivais mon (notre ;)) allaitement différemment ? Et si je changeais mon regard ? Et si je décidais de ne plus prêter attention à celui des autres et me plongeais dans celui de mon bébé ? Un cheminement qui peut se faire petit à petit et qui, je le pense sincèrement, vaut le détour. Pour que peu à peu tous, chacun de nous, « les gens », « les autres », changent eux aussi leur vision d’un sein nourrissant un tout-petit. Pour que peu à peu chaque femme, qu’elle allaite ou non, renoue avec une féminité totale qui n’exclut aucune facette.

Je continue à rêver.

 

« Je vais allaiter… si j’peux »

Durant 3 journées passées au salon Baby de Toulouse (soit dit en passant, « haut lieu du non-allaitement » 😉 ), voici ce que j’ai le plus souvent entendu. Ou comment, dès le début de leur histoire de maman, les jeunes femmes doutent de leur capacité à nourrir leur bébé.

Rien de franchement étonnant à cela.

Pas ou peu de transmission entre générations, une information prénatale hétéroclite, voire inexistante (de peur de « culpabilisation ») pour faire un choix véritablement éclairé, un soutien tout autant disparate, une société dans son ensemble plus encline à la «frileuse neutralité» plutôt qu’à l’information, des rumeurs sans fondement qui continuent à courir, courir, sans perdre haleine un seul instant et, « last but not least », un marketing, voire un lobbying, omniprésent des grandes firmes fabriquant du lait artificiel.

Nous avons tous totalement oublié que l’aliment premier de l’espèce humaine était celui produit par la mère du petit humain. L’amnésie est telle, sous prétexte de « liberté », que de nombreux parents ne réalisent même plus que la grande majorité des substituts d’alimentation pour nourrissons sont fabriqués à partir de lait de vache (véridique : la question m’a été posée la semaine dernière encore…)

Regardez ce que l’on propose à ces jeunes femmes qui doutent :

Rien de mieux, mesdames, pour vous conforter dans l’idée que votre corps est incapable de fournir ce qui est bon pour votre bébé ; ou qu’en tout cas, il a besoin d’être « boosté » sérieusement pour y parvenir.

Alors je vous propose de revenir à beaucoup plus de simplicité afin d’avoir suffisamment de lait :

1/ veiller à ce que bébé tète efficacement en moyenne 8 à 12 fois par 24h. ;
2/ s’alimenter « correctement », de la même manière que pendant la grossesse, ni plus, ni moins tant en quantité qu’en qualité ;
3/ boire à sa soif, ni plus, ni moins…
4/ avoir une confiance inébranlable (la vôtre et celle de votre compagnon) en vos capacités à répondre totalement aux besoins de votre tout petit.

En conclusion nul besoin de vous gaver de soit-disantes « potions magiques » sensées « favoriser naturellement » la lactation ! ! !

Je pense que vous percevez mon agacement aujourd’hui. Tellement l’impression parfois de me battre, tel Don Quichotte, contre des moulins à vent… Une petite touche de douceur pour finir ? (Quoique…)
Voici le coin allaitement que j’avais installé sur mon stand lors de l’événement mémorable dont je parlais au début de ce texte :

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Mignon ? Cosy ? Trop petit ? Ben oui, pas de réel « espace bébé » tout cocooning, tout en douceur, tout en accueil, pour bébés au sein ou au biberon, que mes collègues consultantes en lactation et moi avions proposé d’aménager (gracieusement) aux organisateurs. Et pourtant il y avait de la place.

Cela ne devait pas suffisamment rapporter d’espèces sonnantes et trébuchantes… En tout cas mon fauteuil a fait plusieurs heureux.

Allez, promis, je continue à rêver malgré tout…

 

« Allaiter son enfant = rester à la maison » ou quelques mots pour Mme Badinter

Vendredi 29 janvier 2016, publication d’une étude sur les bienfaits de l’allaitement dans « The Lancet », tous les médias français s’en font l’écho du Monde à L’Express en passant par Ouest-France, La Dépêche et France Inter. Sans jeu de mots idiot, je vous assure que je « buvais du petit lait » tellement ce qui est dit me fait du bien à entendre.

J’écoute France-Inter, l’émission La Tête au Carré. Interview du Dr Marie Thirion, que vous pouvez écouter ou réécouter ici (de la 31ème mn à la 40ème). Claire, précise, directe, elle conclut grosso modo en disant qu’en France, à l’heure actuelle, il est quasiment impossible aux femmes de suivre les recommandations de l’OMS, à savoir allaitement exclusif jusqu’à 6 mois puis en complément d’une alimentation solide jusqu’à 2 ans, étant donné la culture de l’allaitement inexistante dans notre société (voici toutes les femmes allaitantes hissées sur un piédestal, devenues des héroïnes, ce dont je suis de plus en plus convaincue…)

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Et puis voilà, comme nous sommes en France, que les féministes ont gagné de longue date (et tant mieux) la possibilité d’être sollicitées pour tout sujet en lien avec la femme, une intervention de Madame Elisabeth Badinter est diffusée au cours de l’interview. Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, voici ce qu’en dit Wikipédia : « Élisabeth Badinter, née Bleustein-Blanchet, le 5 mars 1944 à Boulogne-Billancourt, est femme de lettres, philosophe, féministe et femme d’affaires française.   Elle est surtout connue pour ses réflexions philosophiques qui interrogent le féminisme et la place des femmes dans la société (…) »

Je vous laisse écouter sa prise de position sur le « modèle de la mère parfaite » et vous faire votre propre opinion sur celle-ci, mais ne peux laisser passer sans rien dire l’affirmation suivante : « Quand vous allaitez 24H/24H pendant 6 mois vous ne pouvez pas évidemment quitter votre maison. »

Il serait bon, Madame Badinter, que vous cessiez de penser que les mères actuelles sont les mêmes femmes que celles des années 60 ou 70 (rendons à César ce qui lui appartient : en grande partie grâce au formidable travail mené par vous et vos consoeurs féministes de l’époque qui a notamment permis aux femmes de se réapproprier leur corps…). Il serait bon que vous cessiez de parler d’un sujet que vous ne connaissez visiblement absolument pas. Il serait bon que vous cessiez de participer à véhiculer des mythes et des idées reçues sur l’allaitement maternel.

Les jeunes femmes qui décident d’allaiter aujourd’hui bougent, sortent, aiment, travaillent, bref VIVENT. Le ou les premiers mois (à elles de faire comme elles veulent) elles emmènent leur bébé partout ce qui ne me paraît pas « anormal », qu’il soit allaité ou non d’ailleurs. Peu à peu, chacun trouve ses marques et la vie se réorganise, à l’image de ce que chacune souhaite vivre. Pour peu que la société dans son ensemble leur en donne les moyens, parce que, décidément, 2,5 mois de congés maternité, qu’elle franche rigolade pour atteindre son équilibre ! Tenez voilà un point sur lequel nous pouvons tomber d’accord, Madame Badinter : 6 mois de congés maternité pour toutes les femmes, si, si, je vous ai entendu le dire. Voici un bon combat à mener. Et juste en suivant ce congé, la même chose pour les pères, comme les Suédois…

Pour conclure, et pour la petite histoire, une librairie toulousaine a refusé de vendre le livre que j’ai écris avec Laura Boil, photographe « A chacune son chemin pour un allaitement paisible » (éditions « Un autre reg’art »), par « militantisme féministe ». Je ne sais si la libraire avait pris le temps d’en feuilleter les pages, d’en regarder les photos : en aucun cas il n’est question d’un « retour de la femme au foyer », d’avantage d’un droit de la femme à allaiter, s’il elle veut, où elle veut, comme elle veut.

 

Un bébé parfait

C’est le vôtre ? Quelle chance ! Ou bien êtes-vous persuadés que cette perle habite seulement chez vos voisins, vos amis, vos cousins ? Cela reste à voir.

Bébé est né et il a, a priori, tout ce qu’il faut : une tête adorable, de toutes mignonnes mains, des petons à croquer, bref il est parfait. Sauf que…

vanessa&swannblogSauf qu’il n’a pas été livré avec le mode d’emploi.
Sauf que Maman, seule à seule avec lui, se sent désemparée, incompétente : est-ce qu’il a faim ? Est-ce qu’il a mal ? Est-ce que je fais bien ?
Sauf que Papa ne sait pas comment s’y prendre avec un bébé et une femme qui pleurent tous les deux ensemble.
Sauf que dans tous les magazines vous avez vu de magnifiques photos de bébés souriants aux anges, dans les bras de leurs parents beaux à couper le souffle, visages attendris, attentifs, amoureux, affectueux et que si, vous, là, à l’instant T, on vous prenait en photo ce serait plutôt du genre les zombies arrivent et faites gaffe ils se sont reproduits.
Sauf que vous vous sentez carrément seuls face à ce qui vous tombe dessus et ce malgré les innombrables conseils dont les uns et les autres ne manquent pas de vous abreuver.

STOP ! PATIENCE… PATIENCE… Avoir un enfant est une aventure absolument incroyable, mais une Aventure avec un grand A : il y a et il y aura des hauts et des bas, on ne sait pas à l’avance ce que chaque jour nous apportera. Le temps est un allié précieux pour devenir parent.

Et si on parlait allaitement ? Tout pareil que si on n’en parlait pas, avec, quand même, un « chouillat » de pression supplémentaire. Parce que dans une société qui incite à ce que tout soit cadré, parfait, nickel, dès le départ, le côté « non quantifiable » de l’allaitement pose souci.

Lire la suite « Un bébé parfait »

Et si un jour…

Et si un jour, la manière d’aborder l’allaitement en France changeait…

Entendons nous bien : je n’aime vraiment pas les généralités et j’apprécie énormément le proverbe asiatique qui dit « un arbre qui tombe fait plus de bruit que mille arbres qui poussent ». Mais trop c’est trop : un jour, promis, je m’intéresserai à tous ceux qui poussent mais pour l’heure le baobab qui tombe fait un bruit vraiment trop assourdissant : je recueille quotidiennement trop d’énormités transmises sur l’allaitement par… des professionnels de santé.

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Petit florilège de contre-vérités :

  • « Mon médecin nous a dit que mon lait n’était plus assez nourrissant ; je dois passer au lait artificiel. J’en suis très triste mais mon mari m’a dit que le médecin savait quand même de quoi il parlait ! » ;
  • « L’ostéopathe dit à toutes les femmes qui allaitent de donner de l’eau à leur bébé avant la tétée sinon il va se déshydrater » ;
  • « Ma sage-femme m’a demandé de tirer mon lait et de lui donner au biberon pour voir combien je produis de lait » ;
  • « Mon pédiatre m’a dit qu’il était temps de commencer la diversification quand elle avait 4 mois. Je dois lui donner 1 tétée le matin, vers 12 h. 30 une purée et une compote, entre 16 h. et 17 h. 30 un yaourt et une compote, vers 19 h. 30 la tétée du soir. Je ne comprends pas parce que, depuis, elle se réveille 2 fois par nuit et elle tète avec appétit. Quand j’en ai parlé au pédiatre il m’a dit de lui donner une compote avant de la coucher. » (vu le régime imposé rien d’étonnant que bébé soit affamé ; donner du sucre avant de dormir, bien sûr, ça cale et ça calme ;( )
  • « Mon bambin avait la gastro et mon médecin m’a dit d’arrêter l’allaitement parce que ça donne la diarrhée » ;
  • « Mon médecin n’a pas voulu que je donne la tétée à mon bébé pendant qu’elle le vaccinait parce qu’un jour un bébé a régurgité sur elle » ;
  • « Ma sage-femme m’a dit que tout allait bien parce que mon bébé de 4 semaines prend du poids et que ce n’était pas grave s’il n’avait pas de selles. Mais moi je vois bien qu’il se tord de douleur et qu’il a mal » ;
  • « Mon pédiatre m’a affirmé que ce que dit l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) c’est dépassé maintenant. » 

Je pourrais malheureusement continuer encore longtemps comme cela. J’avoue que j’ai du mal à comprendre : pourquoi des personnes qui, a priori, possèdent plutôt une vision scientifique des choses, qui ont appris à se fier à la preuve plutôt qu’à l’idée, utilisent leur pouvoir (car oui leur pouvoir est immense sur des parents qui cherchent le mieux pour leur enfant) pour diffuser des idées fausses tout autant qu’infondées ? J’ai sans doute une trop haute opinion d’eux… ce qui ne peut que me pousser à être déçue.

Je suis une indécrottable rêveuse qui essaie de faire en sorte que ses rêves deviennent réalité, alors pourquoi pas… Et si un jour la majorité des professionnels de santé :

  • pouvaient répondre à une question sur l’allaitement « Désolé, je ne sais pas, je vous invite à contacter telle ou telle personne (association de soutien de mères à mères, consultant en lactation IBCLC ou autre professionnel de santé formé) qui pourra sans doute vous apporter une réponse » ;
  • pouvaient au moins se sensibiliser à la réalité de l’allaitement maternel plutôt que de contribuer à la diffusion de mythes et d’idées reçues, en se documentant auprès de sources officielles et validées ; sans pour autant croire qu’ils savent tout sur le thème (l’allaitement maternel est loin d’être une science exacte et on en apprend tout les jours en la matière) ;
  • pouvaient favoriser l’accès à un choix véritablement éclairé en refusant de faire gracieusement de la publicité aux fabricants de préparations lactées pour nourrissons (non ce n’est pas innocent un sous-main, une toise ou un pot à crayon à leurs couleurs) et en renvoyant le cas échéant vers d’autres ressources ;
  • pouvaient, si le sujet les intéresse, se former réellement et régulièrement à la question. Rappelons que les Consultants en lactation IBCLC doivent, s’ils veulent conserver leur certification IBCLC, apporter la preuve de leur formation continue au bout de 5 ans d’exercice et ont obligation de repasser l’examen au bout de 10 ans. A contrario, plusieurs médecins et sages-femmes que j’ai rencontrés m’ont affirmé qu’ils ne considéraient pas s’y connaître en allaitement à l’issue de leur formation initiale. En France il existe plusieurs possibilités de formation : DIU allaitement délivré en université, CREFAM, ACLP, Co-Naître, AM-F, parmi d’autres.

Voilà, si un jour tout ceci devenait réalité, il me semble qu’un immense pas aura été fait pour l’allaitement maternel en France. Je sais que beaucoup ont déjà relevé leurs manches pour s’atteler à la tâche. Heureusement. Et grand merci à chacun d’eux.

Fais pas ci, fais pas ça !

Quelques jours ou semaines de repos passés en famille ou entre amis : l’occasion rêvée de découvrir des manières de vivre parfois diamétralement opposées aux nôtres. On en revient « reboostés », dégoûtés, épuisés ou simplement heureux de retrouver son propre cocon, ses propres repères. C’est aussi l’occasion de confrontations entre les générations, entre les « avec enfants » et les « sans enfant », les systèmes éducatifs « stricts » ou plus souples … pas toujours facile à vivre pour tous ces moments là…

Faispasci

Me vient alors à l’esprit toutes les remarques que doivent essuyer les toutes jeunes mamans de la part de leur entourage, voire de parfaits inconnus.

Avez-vous remarqué que dès que l’on tombe enceinte on tombe également dans le « domaine public » ? Les uns et les autres se permettent de nous faire des remarques sur tous nos actes de la vie quotidienne : notre alimentation,  le moindre de nos gestes, notre façon de nous comporter, sont susceptibles de commentaires et de diktats péremptoires (« Tu ne devrais pas manger ça » ; « Quoi tu bois une goutte de champagne, tu es inconsciente » ; « Arrête de te donner comme ça pour ton boulot » ; « Tu es folle, tu n’as pas arrêté TOUTES les cigarettes ?»*) jusqu’à venir même poser sa main sur notre ventre rebondi (non mais ! Cela vous viendrait à l’idée de faire ce geste incongru sur une jeune femme au ventre tout plat ?).

Comme je parle ici d’allaitement, évidemment j’ai une pensée émue vers toutes ces femmes allaitantes de nourrissons qui entendent à longueur de vacances des affirmations bien trempées, prenant leur source dans une ignorance totale de ce qu’est l’allaitement maternel. Une petite liste non exhaustive de telles déclarations :

  • en période de fortes chaleurs, « Tu dois lui donner de l’eau, il va se déshydrater » ; «Il mange encore ? » ; « Il faut que tu boives beaucoup d’eau pour avoir du lait »; (Rapidement : le lait maternel est composé à 98% d’eau … Quand il fait chaud tout le monde boit souvent, même les bébés ! Le lait se fabrique à partir du sang pas à partir de l’eau que l’on boit, souvent on peut avoir davantage soif, il est donc important de répondre à ses besoins, ni plus, ni moins.)
  • « Arrête de lui proposer tout le temps le sein, il va devenir capricieux et prendre de mauvaises habitudes » ; « Donne lui une tétine, c’est bien mieux pour lui et pour toi » (A noter : un nourrisson tète, en moyenne, 8 à 12 fois par 24h ce qui est le meilleur moyen de bien lancer une lactation ; un tout petit peut confondre son besoin de succion et son besoin de s’alimenter, la tétine est donc à manier avec précaution au tout début.)

J’en passe et des meilleures… Si la maman a déjà vécu une expérience d’allaitement positive, elle sera, parfois, suffisamment sûre d’elle pour ne pas écouter ces propos. S’il s’agit de son premier bébé, elle aura tellement peur de mal faire qu’ils peuvent avoir un impact dévastateur sur sa confiance et sur son allaitement.

Alors jeunes mamans, n’hésitez pas : armez-vous d’un compagnon qui vous soutient à 200 %, d’un groupe de soutien de mères à mères, d’une « bible pratique allaitement » à laquelle vous vous référez en priorité (cf les livres de Véronique Darmangeat ou de Marie Thirion) voire aussi d’une consultante en lactation IBCLC ,et laissez glisser sur vous tout ce que les « autres » disent sur votre allaitement.

Maintenant que vous voici de retour chez vous, soufflez un grand coup, et faites exactement ce qu’il vous semble juste de faire : proposez le sein aux signes d’éveil, câlinez votre petit autant que vous le souhaitez, mangez ce qui vous fait plaisir, retrouvez votre rythme à vous. C’est vous qui savez en priorité ce qui est bon pour bébé, d’autant plus que vous avez pris le temps de vous informer bien avant que les autres ne vous disent ce que vous devriez faire.

Bonne reprise à tous !

*Attention, je n’encourage absolument pas à boire de l’alcool et fumer en étant enceinte ou en allaitant : il me semble seulement juste de voir en toute femme, enceinte ou non, une personne responsable, capable de prendre ses décisions en pleine conscience, sans avoir besoin de chaperons d’aucune sorte.

Allaiter ça fait maaaaal…

Même pas vrai !

Attention : il n’est pas question que je nie ici la douleur vécue pas les femmes qui allaitent (ou essaient d’allaiter). Elle serait d’autant plus intense que l’émotion ressentie ne serait pas accueillie et reconnue. Donc, douleur il y a bien trop souvent. Et bien trop souvent, il y a cette petite phrase assassine : « Vous avez mal ? C’est normal, ça va passer. » Non ça n’est pas forcément normal. Et oui ça va passer, ou PEUT-ETRE PAS…

En fait, allaiter ne DEVRAIT PAS faire mal. Si douleur persistante il y a, il est primordial de ne pas l’accepter et d’en chercher la cause afin d’explorer des pistes pour la soulager au plus vite.

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Nous sommes tous différents face à la douleur, ce qui ne fait de personne une « douillette » ; les unes et les autres ont simplement un ressenti différent et ce qui semble être un « simple bobo» pour l’une va être vécu comme quelque chose d’insupportable par d’autres. Et vice versa. J’utilise volontiers une échelle de 1 à 10 pour évaluer comment la femme vit sa douleur. Notion qui reste malgré tout très subjective mais permet de rendre un peu plus concret le « ça fait mal ». Qu’il y ait un temps d’adaptation des seins, je veux bien, ils sont habitués à des caresses beaucoup plus douces que la succion d’un nourrisson ! (J’invite tous ceux qui n’ont jamais allaité à mettre leur petit doigt bien propre dans la bouche d’un bébé qui demande à téter : le message sera clair…) Donc une période de douleur « normale » est possible (et non obligatoire) durant environ 1 à 2 semaines ; je la situe aux alentours de 2, maximum 3, sur l’échelle d’évaluation, mais encore une fois cela va dépendre de chacune. Quoiqu’il en soit, pour moi, en aucun cas elle ne devra dépasser 3. Elle ne doit pas être insoutenable, faire venir les larmes, l’appréhension totale (« Encore ? Il faut encore que je lui donne ?»), la tension et… les rougeurs puis crevasses.

Les crevasses ne sont pas un passage obligé : elles sont le résultat d’un frottement inadéquat sur la peau si fragile des mamelons. Elles sont aussi la porte d’entrée de joyeusetés dont il vaut mieux se passer (infections en tout genre). On a donc tout intérêt à ne pas les laisser s’installer. Parfois bébé doit apprendre (dès sa naissance) à ouvrir grand la bouche, d’autres fois sa succion désorganisée pour X raisons va lui demander aussi un temps d’apprentissage, quelque fois il y peut y avoir une difficulté physique qui l’empêche de prendre le sein correctement (freins de langue ou de lèvres trop serrés, par exemple, problème qui peut être résolu). Il y a beaucoup d’autres raisons d’avoir mal. Rarissimes sont celles qui ne trouveront aucune solution. Pour peu que la mère soit bien accompagnée et soutenue.

Le temps peut également être un allié dans le traitement de la douleur : les seins s’habituent, bébé grandit et apprend vite, maman aussi est plus à l’aise dans sa manière de s’installer, de le positionner, dans ce qu’elle voit faire à bébé, dans ce qu’elle sait qu’elle peut accepter ou non.

Je terminerai avec un petit coup de… colère. Il m’est arrivée d’accompagner des femmes qui évaluaient leur douleur lors de la toute première tétée de leur bébé à… 8 ou 9 ! Et elles l’ont entendu LA petite phrase citée plus haut. J’ai été là pour « ramasser la casse ». Pour certaines, les aider à sevrer parce qu’après 3 semaines à ce régime là (3 semaines, vous vous rendez compte ? A raison de 8 à 12 tétées par 24 h… C’est odieux !) même si l’on voit ensemble ce qui peut être mis en place (bien souvent un meilleur positionnement de la bouche de bébé sur le sein) elles n’ont plus l’énergie de se battre et c’est complètement humain ! Nous n’avons pas à nous sacrifier pour nos enfants et à serrer les dents en attendant que cela passe. Oui, je suis triste pour toutes ces mamans qui n’auront pas pu vivre ce qu’elles voulaient. Pour toutes celles qui ont abandonné vite et puis qui ont puisé en elles suffisamment d’énergie pour se lancer dans une relactation, pour tout recommencer à zéro. Pour toutes celles qui n’essaieront même pas d’allaiter, parce que leurs copines, mères, sœurs, voisines, cousines leur ont tellement dit que l’allaitement ça faisait horriblement mal. Pour tous ces bébés qui boiront peu (et dans de mauvaises conditions) ou jamais du lait de leur maman.

Alors que peut-être, sans doute, une présence, un soutien adéquat, une écoute non minutée dans les toutes premières heures de rencontre avec bébé aurait pu faire toute la différence…