« Mieux vaut donner un biberon… »

Une récente discussion, teintée de désaccord, m’a permis de comprendre pourquoi je détestais tant une phrase que tout un chacun rabâche au sujet de l’allaitement maternel. Cet échange m’a également fait comprendre le paradoxe de mes propos quand je disais accompagner chaque femme sur son propre chemin d’allaitement et que je réagissais au quart de tour en entendant cette insupportable phrase. Enfin, ce partage m’a redonné envie d’écrire sur mon blog : décidément merci Chloé ! 😉

La voici donc cette fameuse phrase : « Mieux vaut donner un biberon avec amour que le sein avec (au choix, rayez la mention inutile) répulsion, douleur, contrainte, etc. » Bah oui ! Me direz-vous, rien que de très normal : je n’ai cessé de répéter ici même qu’aucune femme ne devrait jamais accepter de se sacrifier pour son enfant et ne jamais accepter la douleur. Oui MAIS. Car il y a un grand, gros, tonitruant MAIS : le contexte et la façon d’utiliser cette affirmation péremptoire. Elle est employée systématiquement comme un badigeonnage général, un enrobage lénifiant destiné à faire avaler une pilule amère, un piètre pansement sensé empêcher une culpabilisation éhontée des femmes n’ayant pas souhaité ou pu allaiter leur enfant (au sujet de la culpabilité je vous invite à lire cet article). Celles et ceux qui l’assènent ne connaissent rien à l’allaitement maternel. Ils en savent encore moins sur ce que devrait être un accompagnement compétent, soutenant et empathique des femmes qui allaitent. C’est donc dans ce cadre de bonne conscience généralisée que cette parole me donne une urticaire géante. Car elle ne va pas au cœur du problème de l’allaitement maternel dans notre bonne vieille France : le cruel déficit d’informations et de formations pertinentes sur la question. Elle se contente de parer de quelques couleurs fallacieuses un mur décidément bien gris. Sans qu’il y ait la moindre remise en cause de ce qui ne va pas, de ce dans quoi la société dans son ensemble baigne depuis des décennies.complicitésite2016

Maintenant, mon paradoxe, que j’assume totalement : chaque femme, chaque bébé, chaque famille que j’accompagne, a sa propre histoire. Jamais il ne me viendrait à l’idée de plaquer sur celle-ci des injonctions ou des jugements. Ils arrivent vers moi avec leurs fragilités et leurs forces, leurs envies et leurs limites, leur énergie et leurs peurs. Je les accueille du mieux possible ; je tente de leur ouvrir des pistes pour que leur relation d’allaitement se passe plus sereinement ; j’écoute et guide ; j’informe et propose des solutions. Ensuite, c’est à chacune de faire son propre cheminement. Si ce chemin va vers un allaitement paisible qui correspond aux souhaits de maman, je ne peux cacher ma joie d’avoir apporté ma petite pierre à la mise en place de cette aventure ; s’il va vers un sevrage subi ou souhaité par maman, j’ai intérieurement le cœur lourd et un sentiment d’échec, mais je lui dis juste que si c’est ce qui lui semble bon pour elle, cela l’est. Pas une seconde il ne me viendrait toutefois à l’esprit d’utiliser cette phrase. Parce qu’elle ferait perdre toute sa valeur à l’allaitement maternel. Parce que le lait artificiel n’est en rien équivalent au lait maternel. Parce qu’il est important que chacune prenne conscience que la difficulté rencontrée n’est pas normale, banale, inévitable. Nier cela d’un coup de phrase doucereuse signifie se résigner à accepter comme un fait établi l’ensemble des obstacles rencontrés lors de l’allaitement, alors que bien souvent ceux-ci résultent d’une construction sociétale. Il est pour moi primordial que chaque femme devenue mère réalise qu’elle se construit peu à peu dans cette nouvelle vie et que l’éventuel échec de l’allaitement fait partie de ce processus. Ce n’est pas avec une assertion « politiquement correcte » que cette prise de conscience sera rendue possible. A la mère, avec le soutien de son entourage, et parfois aussi de nous, IBCLC*, de réussir à transformer peu à peu en force la blessure née de l’inaboutissement de son projet. La plupart du temps, accompagner l’allaitement maternel va bien au-delà de connaissances « techniques », aussi importantes soient-elles…

En tout cas une chose est certaine, je continue à rêver qu’un jour les choses puissent changer…

* « International Board Certified Lactation Consultant » : Consultant en lactation, professionnel de l’allaitement maternel. A partir d’aujourd’hui j’ai décidé de n’employer que ces initiales pour qu’elles passent dans le langage commun…quand je vous dis que je suis une grande rêveuse !

Histoires de bébés qui ne PEUVENT pas téter et d’un profond découragement

Aujourd’hui, je vais être très très bavarde après un long silence de 4 mois (désolée…). J’espère que vous aurez plaisir et intérêt à me lire jusqu’au bout. Il faut dire à ma décharge qu’il y a de quoi parler sur le sujet que j’ai choisi d’aborder.

Un allaitement peut être douloureux, un bébé allaité peut ne pas prendre suffisamment de poids pour de nombreuses raisons dont l’une des principales reste un mauvais positionnement de sa bouche sur le sein de sa maman, une ouverture de bouche insuffisante. Non seulement bébé peut alors blesser maman, mais son manque d’efficacité va aussi empêcher l’installation d’une lactation optimale (d’où un éventuel problème de prise de poids à court ou plus long terme).

Attention : n’oublions pas que ces problèmes ne sont pas une fatalité et ne sont pas systématiques, même si en France allaitement maternel = douleur, bien trop souvent. Il est également vrai que le temps est un allié en matière d’allaitement : chacun apprend à allaiter et à téter en le faisant. Il est donc important de différencier une « gêne » liée au manque d’habitude (j’aime à dire que nos seins sont habitués à des caresses nettement plus douces que la succion d’un nourrisson 😉 ) qui passera probablement avec le temps, et une douleur, qui a très certainement une cause.

En tant que consultantes en lactation IBCLC, nous avons pour tâche de mener l’enquête avec les parents pour comprendre pourquoi ces difficultés existent et de chercher la solution la meilleure pour chaque dyade maman/bébé (travail sur la mise au sein, position différente, séance d’ostéopathie, « pause-allaitement » avec don de lait au DAL* au doigt, etc.).

type1
Type 1*** – frein antérieur

Parmi les causes de ces problèmes, la présence chez bébé d’un frein de langue** trop serré (ou ankyloglossie) est à envisager. Cette membrane rattachant la langue au plancher buccal peut, si elle est trop courte, empêcher une bonne mobilité de celle-ci ainsi qu’une ouverture correcte de la bouche. Petit exercice pratique : bloquez votre langue derrière vos dents inférieures et essayez de parler, d’avaler, d’ouvrir la bouche… On se rend vite compte que tout est plus compliqué.

Quand nous sommes appelées par des parents pour les accompagner dans l’allaitement parce justement ils rencontrent l’une et/ou l’autre de ces difficultés, s’assurer de la présence éventuelle d’un frein trop court fait donc partie, entre autres, des questions que nous allons nous poser.
Au cours de la consultation, qui dure environ 2 heures, nous avons la possibilité de voir comment bébé se comporte au sein. Ceci, associé à nos connaissances en allaitement, nous permet de prendre en considération son efficacité ou sa non-efficacité. Si nous suspectons un frein de langue court nous invitons les parents à se rapprocher d’un ORL ou d’un pédiatre, afin que celui-ci confirme ou non notre interrogation et réalise une section du frein (geste certes douloureux mais extrêmement bref, à peine 1mn, qui peut se faire à tout âge sans anesthésie générale). Et c’est là que le découragement nous guette : à Toulouse (c’est le cas sur la majorité du territoire français) il est vraiment très difficile de trouver un praticien qui prenne en considération nos remarques, et qui accepte et sache effectuer la section du frein sur des nourrissons sans anesthésie générale.

 

Des petites histoires vraies ?

Allons-y. Je vois en consultation bébé G., 2 semaines, et sa maman. Celle-ci, infirmière, est inquiète car elle trouve que son petit s’agace très facilement au sein et semble le rejeter dès que le lait arrive plus doucement. De peur qu’il manque de lait, elle lui propose

type2
Type 2*** – frein antérieur

vraiment très fréquemment et alterne également fréquemment les deux seins. La prise de poids est plus que bonne : 75 grammes par jour (en moyenne on parle de 25 à 30 g. quotidiens). Je constate que bébé G. n’est absolument pas efficace dans sa tétée, il ne «s’accroche » pas au sein, est satisfait quand le lait coule tout seul et commence à s’agiter dès que ce n’est plus le cas. Je remarque la présence d’un frein de langue postérieur.

type3
Type 3***- frein postérieur

Rendez-vous est pris avec une pédiatre connue pour accepter de sectionner ce type de frein, en cabinet, sans anesthésie générale (bref LA perle). Le verdict tombe : il y a bien un frein mais la prise de poids est positive donc pas besoin de sectionner. Une oesophagite est diagnostiquée (rien d’étonnant avec la sur-stimulation menée par maman, action nécessaire car elle a permis à bébé de prendre du poids malgré son inefficacité). Conseil est donné d’espacer les tétées. Maman décide de faire confiance à la pédiatre. Résultat : bébé est très vite en mixte car la lactation devient rapidement insuffisante toujours en raison du manque de tétées efficaces (Rappelons juste en passant qu’un bébé allaité qui souffre d’oesophagite a besoin de tétées courtes et rapprochées…et que la lactation se maintient à la seule condition que bébé tète en moyenne 8 à 12 fois par 24h…). Un allaitement qui risque fort de ne pas durer longtemps et qui en tout cas ne répond pas au souhait initial exprimé par la mère lorsque je l’ai rencontrée.

En voici une autre : une de mes collègues reçoit une maman d’un bébé de quelques jours

 

type4
Type 4***- frein postérieur – palais creux

qui a des douleurs insupportables aux seins, des crevasses terribles, une réelle détresse de ne pas parvenir à allaiter paisiblement. Cette fois encore un frein de langue postérieur est observé. L’ORL consulté le constate lui aussi mais… « Ce ne peut pas être cela la cause des douleurs » et refuse de sectionner le frein. Que va faire cette femme qui se fait violenter 8 à 12 fois par 24h. ? Fort probablement sevrer, avec un sentiment d’échec, une grande tristesse et un discours ne parlant que des douleurs insoutenables de l’allaitement. Cela est normal et humain. Je le dis et le redirai toujours : aucune mère n’a à se sacrifier pour son enfant.

Entendons-nous bien : notre travail consiste à aider les femmes à vivre au mieux leur allaitement. Le frein de langue peut être une entrave à un allaitement harmonieux, nous le constatons tous les jours. Ignorer cette possibilité, l’écarter d’emblée, s’apparente à de l’incompétence, tout comme le fait de la considérer à l’exclusion de toute autre. Il ne s’agit pas de sectionner un frein pour le sectionner, il ne s’agit pas d’une « mode » que nous avons soudainement décidé de mettre au goût du jour, il s’agit d’avoir une vision à long terme sur l’allaitement souhaité par la mère…

Type4caché
Type 4*** – frein postérieur caché sous muqueuse

Heureusement, il y a aussi des histoires positives… Une maman qui ne souffre plus du tout, son bébé mis au sein immédiatement après la section du frein de langue antérieur. – Une autre dont le bébé de 6 jours ne tétait pas du tout (il était en incapacité de « faire le vide » sur le sein, de « s’accrocher »), frein postérieur sectionné à 11 jours (par la pédiatre mentionnée dans ma toute première histoire 😉 ), bébé se met à téter de manière exclusive à… 23 jours ! (Grâce à des parents extrêmement motivés, à un arrêt total des biberons remplacé par un DAL* au doigt, et du peau à peau +++) – Un tout-petit dont les parents font 3 heures de route pour rencontrer un professionnel de santé qui sectionne son frein de lèvre supérieure et qui, enfin, cesse de faire mal à maman – Ou bien encore celui-ci, ayant du mal à « décoller » au niveau de sa prise de poids, à qui des séances d’ostéopathie ont permis de libérer des tensions qui « tiraient » la langue vers l’arrière, pouvant faire croire à un frein trop serré, et qui réussit à être efficace dans sa tétée.

Je lance donc un appel : si vous connaissez (ou êtes 😉 ) des professionnels de santé prêts à dialoguer, à se former, à chercher des solutions pour le plus grand bien de tous, sur Toulouse ou au moins en Occitanie, je suis preneuse !

Et j’essaie donc de continuer à rêver qu’un jour les choses puissent changer…

NB Le frein de lèvre supérieur (membrane reliant la lèvre à la gencive) peut lui aussi avoir un impact négatif sur l’allaitement, empêchant une bonne ouverture de bouche, créant blessures et mauvaise prise de poids. Il est lui aussi à prendre en compte.

* DAL Dispositif d’Aide à la Lactation

** En savoir plus sur les freins de langue : https://www.lllfrance.org/1679-aa-95-freins-de-langue-freins-de-levre-des-freins-a-lallaitement

 *** Classification des IBCLC

L’allaitement, de l’égoïsme ? ? ?

« Bon, Madame, maintenant ça suffit les compléments à la seringue, l’allaitement, tout ça, il faut lui donner un biberon à ce bébé, il faut arrêter d’être égoïste ! » Voici les propos tenus par son gynécologue à une jeune maman d’un bébé de 6 semaines. Cela faisait juste 6 semaines qu’elle soulevait des montagnes pour faire en sorte que son bébé reçoive ce que la nature a prévu pour lui : le lait de sa maman. J’accompagnais cette jeune femme dans son allaitement. Elle m’a appelée après sa consultation : je n’avais plus qu’à la « ramasser à la petit cuillère » tellement elle avait été blessée, chamboulée et totalement désorientée par cette assertion terriblement culpabilisante et jugeante.enmangeanttaggée

Autre histoire, autre contexte : bébé de 3 mois, maman grippée, le médecin refuse de prescrire quoique ce soit sous prétexte qu’il est égoïste d’allaiter encore, que cela n’apporte plus rien au bébé, que c’est juste pour le plaisir de la maman. Heu… quelqu’un peut m’expliquer là ? Méconnaissance totale de l’allaitement et de son contexte médical (bien sûr qu’il est possible de se soigner quand on allaite !), associée à un commentaire sexiste déplacé, ou je me trompe ? Il est certain que le PLAISIR est un mal épouvantable. Surtout pour une femme. Je retiens mon commentaire mais je n’en pense pas moins…

Allez encore une autre : une jeune femme demande à sa belle-sœur allaitante si elle a déjà tiré son lait pour que le papa puisse aussi nourrir son fils. Devant la réponse négative de la maman, elle s’exclame « Et ça ne te gêne pas qu’il ne puisse pas lui donner du lait lui aussi? Franchement, c’est pour ça que je trouve les mamans qui allaitent complètement égoïstes ! » Heureusement, dans cette histoire, le papa est (vaillamment 😉 ) intervenu, signifiant qu’il n’allait quand même pas priver le bébé de ce beau lien qu’il tissait avec sa maman et que son tour pour le nourrir viendrait bien assez tôt ; qu’il trouvait triste que l’on pense que le seul moyen de s’occuper de son enfant était de le nourrir : il avait mille autres moyens de se lier à lui. Bien dit !

Que dit le dictionnaire Larousse, quant à lui, de l’égoïsme ? « Egoïsme : attachement excessif porté à soi-même et à ses intérêts, au mépris des intérêts des autres. »

On comprend de suite mieux en quoi une mère qui allaite est égoïste :

  • elle répond 24h/24h aux besoins de son enfant en le nourrissant notamment en moyenne 8 à 12 fois par 24H ;
  • elle préfère donner à son bébé un lait adapté à sa physiologie, plutôt qu’un lait artificiel, utile dans certains cas, mais néanmoins pâle reflet du lait maternel ;
  • quelles que soient les éventuelles difficultés rencontrées, elle va chercher tous les moyens possibles pour faire en sorte de réussir à poursuivre son allaitement ;
  • si l’allaitement est douloureux (ce qui n’est pas une fatalité, ne l’oublions surtout pas), elle va parfois serrer les dents en « attendant que ça passe » (un peu trop souvent à mon goût, aucune mère ne devrait JAMAIS sacrifier son bien-être pour celui de son bébé), ou bien encore elle va chercher une solution pour continuer à allaiter sans souffrir ;
  • enfin, horreur de l’horreur, elle peut même prendre PLAISIR à allaiter son enfant.

La conclusion s’impose d’elle-même non ? Une mère qui allaite méprise évidemment totalement les intérêts de son enfant… Arghhhhhhhh ! Je ne peux cesser de m’interroger : comment et pourquoi peut-on en venir à penser qu’allaiter c’est égoïste ? Comment et pourquoi une mère peut-elle se dire elle-même  : « je ne voudrais pas que si je continue à allaiter ce soit par égoïsme… » ?

J’avoue ne pas trouver de réponse. Très clairement, il y a là un problème de société, une vision totalement erronée de l’allaitement, un diktat sur ce qu’est la « bonne » ou la « mauvaise » mère, une peur viscérale de la « fusion » entre un bébé et sa maman (temporairement nécessaire et constructive selon moi, car créatrice de confiance et d’autonomie chez le tout-petit). Ce à quoi j’ajouterais même une curieuse façon d’aborder la notion de plaisir féminin…

Pour conclure, dernière petite histoire vraie : bébé a un frein de lèvre épais qui empêche sa bouche de s’ouvrir grand ce qui blesse maman. Celle-ci ne veut pas faire sectionner ce frein se disant que ce serait par pur égoïsme puisque c’est « juste » pour son confort. Et puis elle chemine. Elle avait pour projet un allaitement long (ou non-écourté, bref en France plus de 6 mois) parce qu’elle était certaine que son lait était celui qui était adapté à son bébé. Seulement, avec cette douleur permanente, l’allaitement devient difficile pour elle et elle est de plus en plus tentée de l’arrêter. Elle réalise peu à peu que si elle décide de faire cette petite intervention sur son bébé, lui aussi en bénéficierait puisqu’il serait allaité plus longtemps. Elle a alors entrepris un parcours du combattant (je peux vous assurer que cela l’a été, aucun professionnel de santé toulousain n’acceptant d’effectuer ce geste…) pour faire sectionner le frein.

Bébé a pu être allaité comme sa maman le souhaitait. Pour son plus grand bien. Dans son propre intérêt. Et oui, maman y a également trouvé son compte, ce qui est tout aussi important : l’allaitement, n’est pas « seulement » une manière de nourrir, c’est une rencontre, une question d’équilibre entre deux êtres ; il est primordial que chacun en tire bénéfice.

NB Pour les personnes qui me suivent régulièrement, petite explication de mon silence de ces derniers mois : il en est de l’inspiration comme d’une plume qui vole au vent, parfois il est bien difficile de l’attraper. Même à mon petit niveau, on peut connaître ce genre de difficulté. Et puis… je travaille sur un joli projet encore un peu secret… Bon, aujourd’hui, je m’y suis remise et j’ai d’autres idées d’articles en tête : promis je continue sur ma lancée mensuelle. Si vous avez envie de me proposer des sujets, n’hésitez pas. Merci !

 

« Mon bébé s’est sevré tout seul. »

N’avez-vous jamais entendu cette phrase ? Quelle affirmation étrange ! Comment un bébé pourrait-il se sevrer tout seul ? C’est à dire se priver de lui même de sa source naturelle d’alimentation et de réconfort ?

Il me semble tout d’abord important de rappeler ce qu’est le sevrage. On peut dire qu’il en existe deux sortes : le sevrage induit, c’est la mère qui décide de débuter un sevrage pour des raisons qui lui sont propres ; le sevrage naturel, c’est l’enfant qui peu à peu se désintéresse du sein pour finir par ne plus le prendre du tout. Ce dernier sevrage peut débuter aux alentours du 1er anniversaire de l’enfant et parfois « s’étaler » jusqu’à ses 4, 5, 6 ans… (Oui je sais, cela peut ne pas « convenir » aux personnes qui me lisent. Un autre article ici sur l’allaitement de bambins) Quoiqu’il en soit, en aucun cas ces sevrages ne se font « du jour au lendemain », de manière soudaine.

gaelle&erwen_05Csite2016 - copieJe vais ensuite employer un mot que vous n’avez peut-être jamais vu associé à l’allaitement : la « grève ». Pardon ? Ok je suis Française et on accuse souvent les Français de faire la grève pour un oui ou un non. Alors, vous pensez que je suis en plein délire là ? Même pas. Un bébé qui, du jour au lendemain, refuse de téter ne se sèvre pas tout seul. Il fait la grève. La grève de tétée.

Parfois on saura pourquoi : un changement notable dans ses habitudes, une tension familiale importante, un geste médical maladroit ou intrusif, une maladie qui couve ou des dents qui se font sentir, un biberon introduit, etc… Bébé traduit l’inconfort qu’il ressent par l’un des rares moyens de communication qu’il a en sa possession : le refus. Cette grève peut durer de quelques heures à quelques jours.

D’autres fois, on ne comprendra pas, on ne trouvera aucune cause à ce refus net et inattendu.

Certaines mamans peuvent être satisfaites de cet arrêt soudain, car il correspond vraiment à leur envie d’induire un sevrage. Cela arrive au bon moment pour elles et j’ai envie de dire tant mieux si cela leur convient. Il n’en reste pas moins vrai qu’il est faux de dire que leur bébé « s’est sevré tout seul ». Même s’il ne montre aucun signe apparent de mal-être. Parmi ces femmes, il peut aussi arriver que cette phrase « toute faite » soit leur façon de cacher de manière désinvolte, en accord avec notre société totalement non-soutenante à l’allaitement, la fêlure que le refus de leur bébé aura créée en elles : elles ne savent pas qu’il ne s’agit définitivement pas d’un sevrage ; elles croient que c’est « normal ».

Pour d’autres femmes, cela pourra être très ouvertement difficile, voire douloureux, à vivre. Un sentiment immense de rejet, de tristesse, d’impuissance pourra les envahir. Et ce quel que soit l’âge de l’enfant. Bien entendu, plus le bébé sera petit plus l’inquiétude sera vive : il est vital que le nourrisson s’alimente d’une manière ou d’une autre. Toutefois, même lorsque la grève concerne un enfant plus grand, la mère pourra vivre une détresse profonde. Aggravée souvent par le fait que l’entourage ne comprend pas, ne soutient pas, n’a aucune empathie pour elle : « il veut arrêter de téter, il veut arrêter et puis c’est tout ; tu ne vas pas l’allaiter jusqu’à 18 ans quand même ! » Alors, elle se sent seule, incomprise et inutile. Sauf si elle arrive à trouver une épaule accueillante, des oreilles compatissantes, qui vont l’accompagner et l’aider à vivre cette difficulté au mieux : une amie allaitante et informée, une animatrice d’association de soutien de mères à mères, une consultante en lactation IBCLC, un professionnel de santé véritablement formé à l’allaitement bref, une personne ressource qui lui dira de maintenir et stimuler sa lactation (notamment si le bébé est exclusivement allaité), de faire le plus possible de câlins à son petit, d’éviter le biberon pour lui donner son lait, de continuer toujours et encore à lui proposer le sein, sans imposer et mettre de pression, de choisir leur coin favori de tétée pour ces propositions, de proposer le sein de nuit quand bébé est dans un demi-sommeil, ou bien encore dans un bain commun… Les aider à ne pas perdre espoir et à mettre toutes les chances de leur côté pour que l’allaitement puisse reprendre dans des jours meilleurs…

Savoir que l’allaitement ne s’arrête pas brutalement du fait de l’enfant, que l’on peut traverser ce genre de situation et qu’il peut y avoir des pistes pour trouver une solution : c’est un petit pas de plus vers davantage d’autonomie, vers davantage de liberté pour vivre l’allaitement que chacune souhaite vivre.

Je continue à rêver qu’un jour les choses puissent changer…

Avoir peur ou non de la confusion sein/tétine ?

Quand le bébé allaité semble plus attiré par le biberon, voire, refuse le sein, certaines personnes évoquent la possibilité de cette fameuse « confusion sein-tétine ». Ce qui sous-entend donc qu’il ne faut JAMAIS proposer un biberon à un bébé allaité de peur qu’il refuse ensuite le sein.

c54cd01619725a4dabebc35be504cd7b_XL
Photo illustrant un article de LLL France sur le refus de téter

Pour ma part, je n’aime d’abord pas le mot « confusion ». Nos bébés sont loin d’être idiots et ils ne se trompent pas si facilement que cela (si l’on cherche le sens de confusion sur internet, on va tomber pêle-mêle sur les mots désordre, honte, défaut de clarté, destruction, mélanger…). Au contraire, ils sont même tellement futés qu’ils vont choisir ce qui sera le plus confortable pour eux. S’ils ont du mal à être efficaces dans leurs tétés (pour des raisons qui peuvent être extrêmement variées : naissance avant terme, même minime, ou « mouvementée », effets d’un anesthésiant, freins de langue et/ou de lèvres, etc.) ils vont donc préférer ce qui sera le plus agréable pour eux : cela peut être le biberon. A l’inverse, si le lait leur parvient à profusion par le sein de maman et qu’ils ont du mal à gérer cette grande générosité, ils peuvent aussi préférer l’afflux plus « tranquille » du biberon. Vous l’aurez compris, j’emploierai plus volontiers le terme « préférence tétine-sein ».

Maintenant, est-ce une réalité ? Est-il vrai que des bébés vont avoir ce comportement et est-il vrai qu’un seul biberon peut interférer avec un allaitement serein ? Bon nombre de professionnels de santé disent que cela n’existe pas. Bon nombre de mères affirment l’inverse. Qui croire ? Mes propos n’engagent bien sûr que moi, puisque je dirai que tout le monde a raison. Trop facile, et même démagogique (promis je ne me présente à aucune élection 😉 ) puisque je ne me mets ainsi personne à dos ! Si on pouvait arrêter de faire des généralisations, notamment en matière d’allaitement maternel, je serais au paradis : chaque bébé est unique, chaque femme est unique. Tout va donc dépendre de la manière qu’ils auront chacun d’inter-agir ensemble. Et également de la manière dont sera donné le biberon.

Il est indéniable que la succion au sein et celle au biberon n’ont rien de commun : la première fait intervenir plus d’une vingtaines de muscles, la second juste les lèvres et un peu la langue ; la première demande à ce que la bouche soit grande ouverte, la seconde peut être effective même avec des lèvres presque serrées. Des bébés vont passer sans aucune difficulté du biberon au sein et vice-versa. Ils savent adapter leur succion à chaque stimuli différents. D’autres vont commencer à « pincer » davantage le sein de maman ; on peut alors leur apprendre la différence, « rectifier » le tir en les invitant à ouvrir plus grand la bouche ; pour peu que ce signe-là soit le premier qui apparaisse, et non pas un refus brutal du sein…  Si grève de tétée il y a (puisque c’est ainsi que se nomme cet arrêt soudain de l’allaitement, rien à voir avec un sevrage), les conséquences peuvent être véritablement néfastes à la poursuite sereine de l’allaitement.

Petite histoire vraie : G. a du reprendre son travail alors que bébé E. avait 3 semaines. Elle avait un Réflexe d’Ejection Fort (REF) et bébé E. un frein de langue serré. Nous avons discuté ensemble de la possibilité de cette préférence. Les parents de Bébé E. ont choisi de donner le lait avec un DAL (Dispositif d’Aide à la Lactation) au doigt, le papa s’attelant à la tâche puisque c’était lui qui gardait bébé pendant les absences de sa maman. Par la suite, le frein de langue a été coupé, le REF s’est apaisé, bébé E. a grandi et… a pris aussi bien le biberon chez la nounou que le sein avec maman. Franchement, je ne sais pas ce qui serait arrivé si on était de suite passé par la case biberon. Peut-être rien au final. Mais qui peut savoir ? Dans le doute, je préfère informer et laisser le libre choix aux parents.

Daltaggée
Bébé E. prend son lait avec son papa et une sonde au doigt

Informer, cela veut aussi dire qu’il existe une manière particulière de donner le biberon à un bébé allaité : très bien expliquée par LLL France ici et montrée également là . Cela veut aussi dire qu’il y a des alternatives au biberon, en fonction de l’âge du bébé, comme le DAL (ou sonde) au doigt, la tasse à bec, la paille, voire d’autres encore à inventer, pourquoi pas ?

Donc, oui, il peut arriver qu’un bébé préfère le biberon pour l’une ou l’autre des raisons mentionnées plus haut. Si cela convient à la maman, tant mieux. Si ce n’est absolument ce qu’elle souhaite vivre il est important d’évoquer cette possibilité avec elle en amont pour être vigilant à ce que l’efficacité de bébé soit réelle, à la manière de donner le biberon voire au choix d’un autre moyen de lui donner son lait. Il est important aussi de l’aider à voir comment inverser la tendance et trouver le chemin qui lui conviendra.

En ce qui concerne l’allaitement maternel (comme dans de multiples autres domaines d’ailleurs…), on ne peut jamais dire jamais ou toujours. Chaque nouvelle histoire est une histoire à découvrir. Alors gardons-nous d’être dans la peur ou la certitude et avançons un jour après l’autre.

Je continue à rêver…

« Parler d’allaitement aux enfants»

Quoi de plus naturel ? Plus on leur parlera des tétées du bébé à venir, de celles de la petite voisine, ou de celles qu’ils ont connues nouveau-né, (ou du non-allaitement d’ailleurs, en le replaçant dans le contexte du moment) et plus cela leur semblera être un acte banal et évident. Voir un enfant manger, n’a rien que de très quotidien pour un autre enfant. Leur parler d’allaitement, oui, et le leur montrer, donc.

On invite bien volontiers des petits à venir regarder des chatons, des veaux, des porcelets ou des chiots téter, alors pourquoi ne pas leur montrer un bébé faire de même ? Pourtant, comme cela semble difficile… Je recueille facilement des témoignages de jeunes mamans dont la belle-sœur ou la mère avait fait sortir les petits cousins de la pièce où elle allaitait sous prétexte de « la laisser tranquille », alors qu’en fait elle se sentait gênée qu’ils assistent à un tel « spectacle ». Ou de la jeune femme, assise tranquillement sur un banc du square, nourrisson au sein, qui observe une autre femme tirant fermement sa fillette par la main pour l’entraîner au loin, tandis que celle-ci reste fascinée par le si joli tableau…

diane
Diane en pleine découverte…

Ne parlons pas de l’immense majorité des albums pour enfants… Avez-vous déjà vu un album intitulé « Le lait de ma mère » ? Première photo, un kangourou qui tète ; deuxième, un veau sous sa mère ; troisième, un bébé qui tient un biberon, posé seul sur un canapé ! Quel paradoxe, quel titre totalement trompeur ! Hop un biberon de lait de vache pour le bébé ! Peut-être suis-je mauvaise langue et qu’il boit effectivement le lait de sa maman (on peut toujours y croire 😉 ) quoiqu’il en soit, il n’est même pas dans les bras de l’un de ses parents ! ! !

Souvenir plus ancien… je découvre avec mon fils une histoire de Pomme d’Api… La famille Noé (dont les parents sont vétérinaires) visite une ferme. Mignon comme tout, la maman cochon a du mal à nourrir sa très nombreuse progéniture. Hop un biberon (de lait de vache ?) pour lui donner un coup de main. Bon. Un soutien comme un autre. Page suivante, vite, vite, vite, il faut se dépêcher parce que l’on va donner…le biberon du veau ! ! ! Sous le regard attendri de sa maman ! Argggh… Remarquez… au moins, là, il boit bien le lait de sa mère 😉

Comment voulez-vous que les enfants y comprennent quelque chose ? Si depuis toujours la norme qui leur est montrée c’est le biberon, ils vont naturellement s’en saisir.

isaacetlivre
…et Isaac aussi sur « A chacune son chemin pour un allaitement paisible »

Inverser cette tendance. Montrer et parler d’allaitement à tous. C’est ce qui nous a animé, Laura Boil et moi-même lors de la création de notre exposition photos et de notre livre « A chacune son chemin pour un allaitement paisible » (cf. l’article consacré à ce sujet ici ou encore là). Je ne résiste pas au plaisir de répéter peut-être une anecdote, tant elle est symbolique pour moi. Alors que je la connaissais à peine, Sandra, maman de deux enfants qui n’a jamais voulu allaiter a tout d’abord soutenu financièrement notre projet. Ensuite, vient la merveille des merveilles : « Tu sais, la dédicace sur ton livre, j’y tiens beaucoup, parce que le livre, il est pour Célia… » Célia, sa fille de 6 ans à l’époque. L’illustration exacte de mon souhait le plus profond : montrer à tous et à chacun que l’allaitement maternel existe ; qu’il n’y a pas qu’une seule voie ; qu’il peut y avoir une transmission positive de mère à fille sans qu’il n’y ait ni pression, ni forcément expérience précédente.

Oui, je veux parler d’allaitement à tous : aux vieux et aux jeunes, aux femmes et aux hommes, aux noirs et aux blancs, à ceux qui n’allaiteront jamais, aux homos et aux hétéros, aux martiens même s’il leur prenait l’envie de débarquer sur Terre ! Bien évidemment, aux enfants aussi. Pour maintenir vivant à jamais le lien lacté qui nous unit aux premiers hommes qui ont peuplé ce monde. Pour qu’un jour devienne exceptionnel le fait de donner à nos petits le lait d’une autre espèce que la leur.

Alors, parlons et montrons l’allaitement maternel aux enfants. Ils sont déjà notre « Demain ».

Je continue à rêver.

NB (Vous pouvez quand même trouver quelques albums qui parlent d’allaitement, notamment sur le groupe Facebook « Ma bibliothèque bienveillante »)

 

« A toutes les grands-mères…»

Pourriez-vous laisser vos filles ou belles-filles qui allaitent tranquilles ? Pourriez-vous leur donner un magnifique cadeau : votre CONFIANCE ? Pourriez-vous ainsi offrir à votre petit-enfant le meilleur « engrais » qui soit pour débuter sa vie en beauté : le lait de leur Maman ?

Oui je sais. En vous interpelant de cette manière je mets chacune de vous dans le même sac. Je suis bien consciente que la généralisation est la porte ouverte au jugement et, par là mainsbebeadultemême, à la bêtise. Seulement, je vois tellement de situations ubuesques, d’informations totalement fausses voire néfastes transmises par les grands-mères, qu’il y a des moments où je sens la moutarde me monter au nez. Je ne peux m’empêcher de pousser un cri d’alerte avec, toujours sous-jacent à mes propos, le souhait qu’il y ait d’avantage d’informations validées qui circulent. Notamment par votre bouche.

Vous rendez-vous compte de l’importance de votre place auprès de vos enfants et petits-enfants ? Parfois modèle à suivre, d’autre fois exemple à fuir… mais toujours de l’importance. Toujours une place centrale. Alors merci de l’utiliser à bon escient.

Vous n’avez jamais allaité ? Hé bien INFORMEZ-VOUS avant de dire n’importe quoi ! ! ! Qu’était-ce l’autre jour déjà ? Ha oui : « Je vais allaiter jusqu’à 3 mois – Bon très bien, c’est ce dont vous avez envie, donc c’est bien. C’est parce que vous allez reprendre le travail et ça vous fait peur de continuer ? – Heu… non. On m’a dit qu’à partir de 3 mois le lait n’était plus bon, que c’était de l’eau. – ! ? ! ? Alors ce « on » vous a dit totalement n’importe quoi, le lait ne se transforme pas soudainement en eau, le lait maternel est adapté à votre bébé pendant très longtemps, même quand il est diversifié – En fait c’est ma mère. – Gloups… » ou bien encore « Tu veux allaiter ? Mais comment mon fils va pouvoir donner le biberon alors ? » (je rappelle que le biberon n’est pas une obligation et que Papa peut faire plein d’autres choses avec bébé : câlins, portage, jeux, bains, etc.).
Lisez ! Partagez vos lectures ou gardez les pour vous si c’est mieux. Participez à des rencontres sur l’allaitement, seule ou en compagnie de votre fille ou belle-fille si vos relations sont positives : votre présence à ce genre de réunions me semble on ne peut plus légitime !

Vous avez allaité ? Souvenez-vous de ce que vous avez alors ressenti. Parfois cela vous apparaît si loin. Le temps enjolive souvent les choses et vous avez peut-être l’impression que c’était beaucoup plus facile pour vous, « qu’elle devrait faire ci ou ça pour que ça aille mieux, qu’elle se complique bien la vie… ». L’allaitement peut aussi être pour vous un très mauvais souvenir, et vous avez envie d’intervenir en disant « à quoi bon ? Le bibi c’est tout aussi bien ». Votre histoire vous appartient. Rappelez-vous, l’allaitement, c’est comme les enfants : il n’y en a pas un qui se suit et qui se ressemble. Alors écoutez, accueillez, encouragez, proposez des interlocuteurs « neutres » (pour ma propre famille, je donne les coordonnées de mes collègues : trop d’émotion, trop d’affect pour que les paroles dites soient justes et reçues sereinement.) N’hésitez pas, pourquoi pas, à vous « remettre dans le bain » en faisant comme les grands-mères qui n’y connaissent rien : lire, rencontrer, partager…

Me relisant, je me trouve très directive et pleine d’injonctions : désolée, ne voyez pas mes points d’exclamations comme des ordres et des « il faut / tu dois », mais plus comme de l’enthousiasme que je souhaite communicatif. Et des pistes à suivre ou pas. A vous de voir.

Pour conclure, j’invite chacune d’entre vous à devenir la reine de l’intendance (même si ce n’est pas votre fort, seulement de manière très ponctuelle ;-)). Ménage, linge, courses, petits plats mitonnés ou en direct du rayon congélation, peu importe… Bref, tout ce qui constitue le quotidien et devient si pesant quand on découvre une nouvelle vie à 3 ou plus. Bien sûr, cela semble ingrat, peu valorisant, mais vous n’imaginez pas combien cela contribue à la construction d’un lien toujours plus fort entre vos enfants, petits-enfants et vous : je repense, toujours émue, à la présence de ma propre maman lors de la naissance de mes enfants. Elle a été là où il était juste qu’elle soit.

J’ose espérer, que quand mon tour viendra, j’apprendrai aussi à trouver ma place.

Je continue à rêver.

« Objectif zéro culpabilité »

Ambitieux programme, non ? Voire objectif inatteignable, puisque dès que l’on devient mère il me semble que l’on sombre à tout jamais dans la culpabilité : « j’aurais du faire ça, j’aurais du lui dire cela, j’aurais pu éviter de réagir de cette manière, est-ce que j’ai raison de faire comme je fais ?

culpabilite
Photo issue du blog : http://psycho-ressources.com/blog/la-culpabilité

 

 

Est-ce que cette décision est vraiment la meilleure pour mon enfant ? » Une ritournelle sans cesse égrainée à tout va et pour le moindre sujet : le choix du lieu de naissance, les vêtements (trop chaud ? Trop froid ?), les soins, les couches, le portage ou la poussette, l’alimentation, la crèche ou la nounou, l’école, l’éducation, etc., etc.

La culpabilité que je veux aborder ici, est celle, oh combien brûlante, du non-allaitement. Comment faire pour l’éviter ?

D’abord, si celui-ci relève d’un choix personnel, se poser les bonnes questions bien avant la naissance. Par exemple « Et si je me mettais à la place de mon bébé, de quoi aurait-il envie, lui ? » ou encore « Qu’est-ce qui me pose problème avec l’allaitement ? Est-ce vraiment insurmontable pour moi ? Est-ce qu’il y a une manière de faire qui pourrait me correspondre ?», etc. Et ne pas hésiter à s’armer d’un stylo pour les lister une à une. Puis trouver la ou les personnes auprès desquelles vous pourrez vous informer réellement sur l’allaitement maternel : personnes véritablement formées dans le domaine, qui savent aussi écouter les doutes et apaiser les peurs, avec lesquelles vous vous sentirez en confiance. Pour les choisir le bouche à oreilles est la meilleure des sources.

Ainsi, la décision prise le sera en toute connaissance de cause et non pas fondée sur des rumeurs sans consistance aucune : soit une petite envie de vous lancer dans l’aventure germera en vous (allez, oui, je l’avoue, c’est vers cela que va ma préférence 😉 ), soit votre refus d’allaiter sera encore plus net, venu du plus profond de vous, sans que vous n’ayez nullement à vous justifier :  « je sais que le lait artificiel n’arrive pas à la cheville du lait maternel notamment en terme de qualité nutritionnelle, mais vraiment, allaiter, ce n’est pas pour moi. » Et j’ai envie d’ajouter : point, barre. Personne, absolument personne, n’a à s’immiscer dans cette décision qui vous appartient totalement.

Pourquoi est-il si important alors que vous soyez claire avec vous-même ? Tout simplement pour que vous soyez claire face aux autres : que vous n’ayez pas envie de mordre une femme qui allaite devant vous 😉 (en traduisant cette envie par des propos accusateurs ou la diffusion de rumeurs négatives et de fausses informations), et que vous soyez détendue face à une personne qui use de l’arme inutile et néfaste, de la culpabilisation. Mais aussi pour que vous puissiez continuer à être ce que vous êtes depuis le tout premier instant : la meilleure mère qui soit pour votre bébé.

Qu’en est-il de la culpabilité quand on n’a pas réussi à allaiter alors qu’on le souhaitait plus que tout ? Elle se transforme souvent en un lourd fardeau qui pèse terriblement sur nos épaules. J’ai rencontré l’autre jour à la maternité une jeune maman qui venait d’accueillir son 3ème enfant. Lorsque je lui ai parlé de ses précédents allaitements elle a eu une petite moue contrite, un haussement d’épaules et m’a dit d’une toute petite voix (comme si j’allais la gronder) : « seulement 1 mois chacun ». Je lui ai d’abord fait remarquer que c’était déjà 1 mois de pris ! En poursuivant la discussion j’ai découvert qu’elle avait « tenu » 1 mois, parce que la douleur était insupportable : en moyenne 8 à 12 fois par 24 h. à se faire pincer brutalement le sein, bien sûr que c’est insupportable ! Seulement, voilà, elle ne savait pas que ce n’était pas normal de souffrir, et c’est bien là où le bâts blesse : dans 99 % des cas (chiffres que je ne tiens que de moi : comme je l’ai dit ici, rien de scientifique dans mes propos…) c’est l’accompagnement dès la naissance puis dans les premières semaines qui fait défaut. Alors oui, il est de votre responsabilité de chercher l’information, trouver des ressources, aller au-delà des renseignements « de base » que l’on vous donnera. Parfois, vous n’aurez pas su qu’il était important de faire tout cela : vous aurez placé votre confiance au mauvais endroit, là où s’accumuleront des obstacles sans savoir que ce sont des bâtons que l’on met dans vos roues et non des perches salvatrices. Parfois aussi, vous aurez été informée, soutenue, vous aurez cherché toutes les solutions imaginables pendant plusieurs mois, et rien n’aura fonctionné ; dans les deux cas, c’est en pleurant que vous aurez fini par donner un biberon.

Ce non-allaitement douloureux fera alors partie de votre histoire, ce sera à vous de voir ce que vous en ferez. Il sera une expérience sur laquelle vous appuyer pour vivre différemment le reste de votre vie de mère : soit vous la garderez comme une plaie toujours vive et rien de positif n’en sortira (voire de l’agressivité envers les femmes allaitantes et l’allaitement en général), soit vous arriverez à faire en sorte que de belles fleurs naissent du riche compost ainsi accumulé. C’est tout le mal que je vous souhaite : peu à peu, avec le temps, la culpabilité empoisonneuse laissera place à un doux regret, voire à la nostalgie. Mais vous continuerez toujours, vous aussi, à être la meilleure maman qui soit pour votre enfant, sans nul doute possible.

Je continue à rêver.

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir !»*

Je vais sans doute, par mes propos d’aujourd’hui, jeter un pavé dans la mare des femmes qui se battent pour l’allaitement. Peut-être même m’attirer les foudres de certaines. Tant pis. Je ne crois pas que l’on puisse m’accuser de ménager ma peine pour parler encore et toujours d’allaitement maternel et pour apporter ma petite goutte à ce que les choses bougent en sa faveur en France. J’invite celles et ceux d’entre vous qui ne me connaissent pas à lire les autres articles de ce blog ou à découvrir mon travail de consultante en lactation IBCLC, et notamment l’exposition et le livre que j’ai créés avec la photographe Laura Boil, en se rendant sur le site www.allaitement-achacunsonchemin.com. Ensuite, seulement ensuite, vous pourrez éventuellement crier au loup dans la bergerie 😉

A mon sens, l’allaitement devrait redevenir un acte d’une banalité affligeante, une action quotidienne qui ne soulève aucun commentaire, n’attire aucun regard positif ou négatif, puisse avoir lieu partout et en toute circonstance.

maudclarisse_05siteMais, car oui, il y a un mais. Un mais qui ne veut surtout pas annuler tout ce que je viens d’écrire. Qui apporte juste une nuance à mes mots. Je peux comprendre que l’on soit gêné par un sein totalement dénudé qui nourrit un tout-petit. Je peux entendre que l’on n’ait pas envie de voir une poitrine bien en chair inconnue se balader juste sous notre nez au cours du dîner. Je peux concevoir que l’on devienne entièrement réfractaire à l’allaitement, voire qu’on le critique de manière systématique, s’il nous est arrivé, ne serait-ce qu’une seule fois, d’assister à un allaitement mené « tous seins à l’air » dans un lieu auquel on ne s’attendait pas à cette scène.

Pour moi, en matière d’allaitement, l’ostentation systématique est contre-productive : elle aboutit à l’effet inverse recherché, à un rejet, à un dégoût, à la stigmatisation d’un acte pourtant si beau et si naturel.

Vous me direz des femmes se montrent « top less » sur la plage, dans les magazines, dans les films sans que cela ne choque personne. Ok, notre société s’est habituée à la nudité « instrumentalisée », source de fantasmes sexuels en tout genre, c’est un fait. Pensez-vous que cela serait la même chose si elles se promenaient ainsi au supermarché, au bureau, ou à la salle de gym ? Nous ne vivons pas dans un pays où il est commun d’avoir tout ou partie de notre corps dénudé, si tel était le cas, j’aurai suivi le mouvement avec joie, cela aurait été tellement plus simple pour allaiter (quoique je ne sois pas certaine que la blancheur de ma peau ait résisté longtemps à l’enthousiasme du soleil…). Tout est question de mesure, de respect de soi-même, des besoins de bébé, et des gens que nous côtoyons.

J’ai allaité partout, vraiment partout : rues, musées, supermarchés, transports en commun, églises, marches d’escalier d’un grand magasin, plages, aires de repos, refuges de montagne… Et pas question pour moi (cela n’existait pas à l’époque et tant mieux !) de revêtir une de ces affreuses capes d’allaitement qui en plus d’être laides, cachent la plus belle merveille qui soit au monde, notre bébé. Un tee-shirt qui se lève, un autre qui se baisse, et hop le tour est joué. Si l’on veut voir ce qui se passe vraiment, on le voit, sinon on passe son chemin. Souvenir du métro parisien : bébé au sein, en face de moi une vieille dame musulmane. Nous avons échangé un regard plein de connivence, que de bienveillance dans cet échange muet !

J’ai entendu des femmes dirent « j’ai dégainé mon nichon » pour contrecarrer un propos ou un regard désagréable sur le fait qu’elles nourrissaient leur bébé à leur sein. Comme si leur corps était une arme. Comme si leur sein ne méritait pas de porter un joli nom. L’allaitement ne mérite ni combat, ni guerre. Il vaut bien mieux que cela. Le plus joli des sourires, un bisou sur le front de bébé et un allaitement qui se poursuit envers et contre tout (tous ;)) me paraissent être bien plus efficaces pour, doucement mais sûrement, faire avancer la cause qui nous tient tant à cœur.

Je continue à rêver…

* Tartuffe de Molière, acte III, scène 2

« Ce sont MES seins ! »

Ni ceux de bébé, ni ceux de mon conjoint, ni ceux de qui que ce soit d’autre d’ailleurs, les MIENS, à moi toute seule !

Oui l’allaitement, tout comme la maternité et l’accouchement, nous invite à vivre notre corps de manière inédite. Parfois, il peut être difficile d’être autant sollicitée (rappelons qu’il est normal qu’un nourrisson tète 8 à 12 fois par 24 heures) ; d’autres fois, on est émerveillée par ses capacités incroyables ; parfois encore, se réveillent de vieilles blessures plus ou moins profondément enfouies, qui touchent à notre intégrité corporelle…

Autant de femmes différentes, autant de façons différentes d’être en lien avec son corps. Si l’on rajoute à cela la vision de « l’extérieur », des « gens », des « autres », de la « société », sur nos propres seins et l’utilisation que l’on en fait, on n’a pas fini de s’interroger sur ce qui est « bien » ou non de faire avec eux !

nueL’autre jour, j’ai accompagnée dans son allaitement une jeune femme qui avait beaucoup de mal pour allaiter partout. Il fallait que le moment de la tétée soit entouré d’un « rituel », de la mise en place « d’écrans » entre elle et l’entourage pour qu’elle se sente à l’aise même chez ses propres parents, plus encore dans sa belle-famille ou chez ses amis, ne parlons évidemment pas de lieux publics. Son bébé avait 3 mois.
J’ai toujours trouvé cette difficulté étonnante tant, dans mon ressenti à moi, le fait d’allaiter était un acte quotidien que je réalisais avec un naturel évident (pour information, personne, absolument personne, n’avait jamais allaité autour de moi, dans une famille pourtant fort nombreuse 😉 ). Etonnante aussi parce nombreux sont les seins que l’on voit en liberté sur la plage, ou « au balcon » de maintes mannequins et autres people, sans que cela ne pose souci à qui que ce soit. Etonnante encore, parce cela traduit, à mon sens, mais je peux me tromper dans mon interprétation, comme une honte, une gêne à utiliser ses seins dans leur fonction nourricière ; comme si tout de suite le regard des autres se posait sur notre intimité sexuelle, comme si nous faisions ainsi preuve de pornographie.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas pour moi de « brandir » ses seins à tout bout de champ, je me suis déjà exprimée sur le sujet et je reste convaincue qu’allaiter partout, de manière discrète fait beaucoup plus en faveur de l’allaitement, qu’un exhibitionnisme militant.

Bien sûr, nous ne pouvons dissocier nos seins de ce que nous avons pu vivre avec notre corps, de notre histoire intime, personnelle, voire sexuelle. En ce qu’elle a eu de positif comme de négatif. Et si justement l’allaitement nous permettait d’avancer dans une nouvelle découverte de notre corps et de nous réapproprier la totalité de ses aptitudes ?Certes aussi, tout un passif culturel (judéo-chrétien ou autre), sépare résolument la procréation du plaisir de la sexualité, comme s’il fallait se détourner de l’un pour mieux vivre l’autre, comme si l’un et l’autre étaient totalement incompatibles. Mère ou putain il n’y aurait aucune alternative ! Et bien non, nous avons eu la chance de naître femme (oui j’en suis convaincue ! ) et d’avoir ainsi à notre disposition une large palette de potentialités.

Au risque de choquer, j’aime à dire que nos seins sont « multifonctions », comme nous le sommes nous-mêmes en tant que mère et amante, et que c’est une grande richesse d’avoir ainsi autant de possibilités qui s’ouvrent à nous.

Alors, Messieurs, qui « voulez retrouver « vos » seins (heu, non désolée, ce sont ceux de votre femme) pour vous tout seul» (remarque que je trouve fort infantile et déplacée mais malheureusement déjà entendue), Mesdames, qui n’osez voir votre corps comme une merveille de la nature, échangez, discutez ensemble, interrogez-vous dans votre fort intérieur : et si je vivais mon (notre ;)) allaitement différemment ? Et si je changeais mon regard ? Et si je décidais de ne plus prêter attention à celui des autres et me plongeais dans celui de mon bébé ? Un cheminement qui peut se faire petit à petit et qui, je le pense sincèrement, vaut le détour. Pour que peu à peu tous, chacun de nous, « les gens », « les autres », changent eux aussi leur vision d’un sein nourrissant un tout-petit. Pour que peu à peu chaque femme, qu’elle allaite ou non, renoue avec une féminité totale qui n’exclut aucune facette.

Je continue à rêver.