« Demain… je le laisse…»

Après, au pire, quelques semaines, au mieux quelques mois, maman et bébé suivent des chemins séparés durant plusieurs heures par jour. Je suis toujours impressionnée par la détermination de ces femmes, à qui ont ne facilite pas forcément la tâche, qui décident de poursuivre leur allaitement à la reprise du travail.

J’ai aussi envie de dire à toutes celles qui pensent  a priori  que ce n’est pas possible pour elles, qu’il y a plein de façons différentes d’allaiter tout en travaillant. Tout dépendra de l’âge de bébé à la reprise, de l’envie ou la non-envie de maman d’exprimer son lait, de la durée de la séparation, enfin, et surtout, de ce que chacune souhaite vivre à ce moment-là, avec cet enfant-là.

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Salle d’allaitement d’Airbus Toulouse : un lieu d’intense activité…

 

Certaines vont tirer leur lait et le confier à la personne qui accueille leur tout-petit pour qu’il continue d’en bénéficier ; d’autres vont décider de donner du lait artificiel en leur absence et proposer leur lait à la source sans restriction, de jour comme de nuit, week-end compris, dès qu’elles seront avec bébé (condition qui peut être indispensable pour que la lactation se maintienne correctement, un minimum de 3 stimulations par 24h. étant nécessaire) ; d’autres encore vont trouver toutes les solutions possibles pour que la reprise soit plus tardive, même si les conditions économiques ne sont pas faciles, afin que bébé soit plus grand le moment venu ; d’autres enfin, vont s’acheminer vers un sevrage en douceur, diminuant peu à peu les tétées.

C’est pour cela qu’il est important de « préparer » la reprise du travail. Bien trop souvent, dans l’inconscient collectif, « préparer la reprise du travail » = « faire prendre un biberon à bébé ». A mon sens, ceci est loin d’être la priorité, même si cela peut faire partie des questions à se poser. D’abord parce que bébé saura très bien qu’à la maison c’est d’une manière et qu’à la crèche ou avec nounou c’est d’une autre. Et puis s’il n’en veut décidément pas le biberon n’est pas une obligation, on trouvera une autre solution. Ensuite, parce que cela peut engendrer du stress à la fois chez les parents, le bébé et la ou les personnes qui l’accueilleront (autant profiter du moment présent avec bébé pour l’allaiter sans se poser de question…). Enfin, parce qu’il y a tant d’autres choses à envisager, pêle-mêle : allongement possible du congé maternité ? Poursuite d’un allaitement exclusif ou mise en place d’une alimentation mixte ? Tirer son lait avec un tire-lait ? Lequel ? Dans quelles conditions ? Aménagement des horaires de travail ? Quelle connaissance la nounou ou la crèche ont de l’allaitement ? Effectivement, quand même, comment lui donner le lait ? Etc, etc…

Alors oui, préparer son retour au travail en faisant une liste de ce qui nous conviendrait à nous, en s’informant auprès d’autres femmes qui ont vécu ce passage (le blog « A tire d’ailes », blog des femmes qui allaitent et travaillent, de ma collègue Véronique Darmangeat est une ressource richissime ; des réunions de soutien à l’allaitement le sont également), en se documentant, en dialoguant avec papa et nounou, bref en cherchant des pistes. Sans oublier, encore et toujours, de vérifier que l’information que l’on nous transmet n’est pas de l’ordre de la rumeur infondée mais bel est bien un élément valide et validé. L’allaitement est loin d’être une science exacte, deux belles inconnues s’y rencontrent : une femme et son enfant. Deux individualités qui, depuis qu’elles se sont prises dans les bras, apprennent à vivre ensemble, s’apprivoisent peu à peu. La reprise du travail est une nouvelle étape de découverte, qui va peut-être se passer sans aucun souci ; qui va peut-être donner lieu à des doutes et des hésitations, des ajustements nécessaires, des allers et des retours en arrière ; étape qui va, à coup sûr, faire grandir tout le monde.

Une de mes amies, animatrice à La Leche League, m’a récemment raconté comment, il y a une quinzaine d’années, alors qu’elle installait une exposition sur l’allaitement dans un hôpital parisien, une pédiatre l’avait verbalement (et violemment) agressée, lui disant en substance qu’elle pouvait dire ce qu’elle voulait sur l’allaitement mais que « ça » c’était de la foutaise, que c’était entretenir les femmes dans un mensonge, qu’il fallait immédiatement qu’elle enlève ses affiches sur le sujet. «Ça» c’était « Allaiter et travailler, c’est possible »… Depuis, un long chemin a été parcouru, pas forcément dans les textes de loi (cf texte de V. Darmangeat sur la question) mais dans l’esprit des femmes : oui, elles savent que c’est possible ; elles savent aussi qu’il va parfois falloir qu’elles s’imposent. Il reste encore beaucoup à faire en la matière pour continuer à faire avancer les choses, à faire bouger les mentalités et évoluer les pratiques : nous sommes chacune l’un des maillons de la chaîne, agissons chacune à notre niveau.

Je continue à rêver…

17 commentaires sur “« Demain… je le laisse…»

  1. Malheureusement je dois aussi la laisser…apres demain…mais je ne « lache pas l’affaire » comme je le dis autour de moi. Et c’est grâce à vos papiers/travaux notamment que je me sens plus forte et plus déterminée à chaque fois, poussée par l’amour et l’échange que je trouve dans l’allaitement…qui me donne des ailes pour aller le plus loin possible (« si dieu le veut » comme on dit chez nous ! Mais il n’y a pas de raison pour qu’il ne veuille pas 😉 )

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  2. Je n’ai pas réussi à reprendre le travail je ne pouvais pas me résoudre à la puis le laisser, Ma belette a têté jusqu’à 11 mois, le petit dernier de 15 mois tetouille encore. Mais une de mes amies a continué d’allaité à la reprise du travail pendant 6 mois, elle tirait son lait la journée et même pendant ses déplacement à l’ étranger avec décalage horaire…Elle est restée pour moi une « winner » de l’ allaitement et je l’ ai admiré pour sa ténacité!

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  3. J’ai laissé mes jumeaux à 7-8 mois à la crèche, en pleurs , la boule au ventre parce que ma puce ne prenait pas le bib et ne voulait pas non plus manger à côté. … et finalement. .. ils ont pris mon lait là bas lui jusqu’à 11mois elle 16… et mon congelateur à fini à moitié plein de ces petits sachets d’or blanc. Ils ont 36 mois et vont se sevrer naturellement. C’est donc possible et si je comprends que certaines mamans ne puissent laisser leur petit bout je comprends aussi que d’autres aient aussi besoin du travail pour s’épanouir. … si seulement on pouvait avoir le choix…

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  4. Étant chef d’entreprise, j’ai repris le travail quand ma fille avait 6 semaines. J’ai tiré mon lait 2X/ jours ( 10h d’absence ) jusqu’à 8 mois. Depuis , j’allaite toujours matin et soir + week-end. Ma fille a 18 mois 😊

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  5. J’ai tiré mon lait à la reprise du travail (2 mois pour fournir tout le lait de la journée, puis 2 mois en passant à 2 puis 1 tirage par jour). Aujourd’hui mon bébé a 7,5 mois, et j’ai arrêté de tirer mon lait la journée, je ne l’allaite plus que le matin, le soir et une fois la nuit. Je ne pensais pas tenir si longtemps, ni que c’était possible avant de le faire ! J’ai quand même la chance d’avoir un travail qui me permet de m’organiser. Je n’avais rien programmé, mais j’ai tout simplement été incapable de sevrer mon bébé à la reprise ! Ma sage-femme m’a bien aidé en me conseillant un tire-lait tout petit et j’ai une amie qui a aussi tirer son lait qlques temps avant moi. Au final, en discutant avec mes collègues, je me rend compte qu’on est plusieurs à le faire mais que personne n’en parle ! Ce qui me paraissait inenvisageable (et réservé aux warriors….) est en fait un peu plus répandu que ce que je pensais. Un grand merci à vous et à toutes les sages-femme et les conseillères qui rendent ça possible en en parlant, en donnant des conseils, des témoignages….

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  6. Comment faire si le bébé refuse le biberon mais que la reprise du travail s’impose? Vous parliez de solutions dans votre article, mais si on est absente, que ce soit du lait artificiel ou naturel, il faut bien habituer le petit à accepter une tétine synthétique non? Quelles sont les solutions dans ces cas-là?

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    1. Je vous invite à vous rendre sur le blog « A tire d’ailes », de ma collègue Véronique Darmangeat blog des femmes qui travaillent et allaitent ou à vous procurer son livre « Allaiter et reprendre le travail ». Plein d’infos pratique et d’astuces. Le bébé n’est pas obligé de passer par une tétine, il peut prendre la tasse à bec, une paille, un dispositif d’aide à la lactation (dal) au doigt etc… Il y a d’autres moyens que le biberon mais on ne les imagine pas forcément. Bon courage à vous.

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      1. Effectivement! Merci pour les pistes, je vais me renseigner là-dessus. Je m’aperçois qu’on a beaucoup fait l’amalgame bébé=biberon sans trop s’interroger sur cette pratique ni sur ses alternatives.

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  7. Le jour où je me suis aperçue que si je ne me sentais pas d’arrêter l’allaitement de mon aînée à la reprise du travail, rien ne m’obligeait à la faire, j’en ai parlé autour de moi (PMI, sage-femme, pédiatre, responsable de service) en cherchant quel modèle me conviendrait le mieux. Mon pédiatre m’a répondu : « Vous n’y arriverez pas. Y’en a qui le font, mais vous, vous n’y arriverez pas ». Et je l’ai fait (et je n’ai jamais remis les pieds chez lui). Merci à Véronique Darmangeat justement et à ma responsable de service…

    Je suis outrée que les pédiatres, supposés voir l’intérêt et la santé de l’enfant, privilégient les intérêts et la santé des producteurs de lait en poudre. Qu’au lieu d’accompagner les mères qui souhaitent aller dans une voie, ils les incitent à prendre un autre chemin sans même chercher à les aider.

    Cette semaine, j’ai repris le boulot après la naissance de mon petit garçon. C’est un petit glouton, les conditions d’organisation au travail sont plus compliquées du fait de la période (je travaille en médiathèque dans une station balnéaire, c’est une grosse période pour nous) et assumer les tirages constituent une vraie difficulté. Là maintenant, c’est du soutien dont j’aurais besoin, pas de m’entendre dire que je dois laisser tomber et passer au lait en poudre.

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